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Libération
TRIBUNE

Discriminer positivement

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par Yazid SABEG
publié le 9 décembre 2005 à 4h53

La «crise des banlieues» révèle le constat irrévocable d'échec des politiques publiques de droit commun à combattre les inégalités spécifiques qui résultent des discriminations. Notre pays doit conduire une triple réconciliation, avec sa diversité, entre ses territoires, entre ses générations. Pour y parvenir, il est indispensable de passer d'une obligation de moyens à une obligation de résultats, et l'idée de la «discrimination positive» émerge tout naturellement comme une réponse possible. Mais la formule suscite tant de controverses qu'elle paralyse l'action au lieu de la stimuler.

La raison de la discorde tient surtout à des questions sémantiques, et assez peu à des questions de fond. Dans ce débat, la bataille des mots prend hélas ! le pas sur la confrontation des idées.

La formule est déjà en elle-même un condensé de malentendus. Elle traduit maladroitement «affirmative action», qui ne signifie pourtant rien d'autre que «mesures concrètes», «actions volontaires». En supposant qu'il y aurait des discriminations bénéfiques, l'oxymore sème le doute, et se disqualifie lui-même.

Par réaction, ses détracteurs s'épuisent à forger des formules plus convenables (volontarisme républicain, action citoyenne, action positive, action affirmative) en perdant souvent de vue le fond du problème. Mais la discrimination positive suscite aussi tout un écran de fumée de mots chocs (quotas, races, discriminations, communautarisme, modèle français) que les tribuns agitent comme des épouvantails