Un certain nombre de personnalités ayant un rapport professionnel à l'Histoire ont signé une pétition demandant «l'abrogation des articles de loi contraignant la recherche et l'enseignement de cette discipline» (1). Parmi les textes visés figure la loi du 13 juillet 1990, que l'on appelle communément «loi Gayssot». Il me semble qu'avec les meilleures intentions du monde les signataires de la pétition se sont fourvoyés. Ce que j'en dirai ici se rapporte essentiellement au cas de la loi Gayssot, puisque chacune des quatre lois mentionnées dans la pétition pose un problème différent. Je tenterai cependant, en conclusion, de proposer une approche plus large.
La loi Gayssot de 1990 sanctionne, dans le cadre d'un renforcement général de la lutte contre le racisme et l'antisémitisme, la contestation publique de crimes contre l'humanité «tels qu'ils sont définis par l'article 6 du statut du tribunal militaire international annexé à l'accord de Londres du 8 août 1945», c'est-à-dire concrètement le génocide commis par les nazis. L'objet de la loi n'est pas de protéger la sensibilité des Juifs face aux atteintes des négateurs de la Shoah ; il existait pour cela des instruments juridiques, au moins au civil, qui ont été utilisés également contre les négateurs du génocide arménien. La loi sanctionne le négationnisme en tant qu'il est non pas une insulte aux victimes mais une incitation à la haine raciale. Selon les propres termes du ministre de la Justice (Pierre Arpaillange) qui présenta