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Libération
TRIBUNE

Devenir des êtres humains

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publié le 26 janvier 2006 à 20h09

Quelques jours avant l'agression qu'elle eut à subir de la part d'un de ses élèves, la jeune professeure d'arts plastiques d'Etampes, Karen Montet-Toutain, avait demandé à sa classe du lycée Blériot ce que chacun attendait de ses études. «Je veux devenir tireur d'élite», dit l'un. Ne nous y arrêtons pas. «Je t'aime», dit un autre. Sans gravité. Et puis, il y a celui qui écrit: «Je veux travailler et devenir un être humain.» Je fus bouleversé en lisant cette phrase dans le Libération du 11 janvier. Fracture à vif pour exprimer ce qu'on n'est pas. Cela veut-il dire que ce garçon se trouve être un sous-homme, ou quelque chose de non-fini qui, par le travail, parviendrait à devenir enfin un être humain ? Ou encore, que rien autour de lui ne lui rappelle qu'il est responsable devant sa vie, qu'il a droit au titre de citoyen, qu'il a le devoir de compter sur ses propres forces pour accomplir une trajectoire dans le monde, c'est-à-dire son destin. Il y a surtout ces premiers mots : «Je veux travailler...» Intuitivement, il a deviné que vivre est un travail, que grandir est un travail, qu'aimer est un travail, que rien dans la vie ne va de soi, qu'il faut s'adonner à soi-même pour réaliser ne serait-ce qu'un seul de ses désirs.

C'est un beau projet, n'est-ce pas, que de vouloir acquérir la qualité d'être humain. Avec la dignité qui va avec, avec le respect qu'on lui doit, les projets qu'il est en droit d'entrevoir, les amours qu'il peut espérer, une certaine réussite sociale... Un êt