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Libération
Critique

Colonies aux couleurs passées

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publié le 28 février 2006 à 20h28

On feuillette cet album aux riches illustrations nostalgiques, forcément nostalgiques. Celles de «la plus grande France», aux temps désormais enfuis des colonies. On les regarde, sans indifférence, et même avec quelque douleur pour peu qu'on ait été soi-même un enfant de la colonie. Douleur mêlée de colère contre soi-même, contre l'idéologie des pouvoirs qui vous ont fait croire à cette geste «héroïque», contre la naïveté d'y avoir cru.

Le très bel ouvrage d'Eric Deroo signe là le requiem d'une «illusion», qui fut même lyrique. Qu'on en juge : «Allez au Sud. Il est là devant vous, ce bloc de sable et de cendre, ce morceau inerte et passif qui, depuis six mille ans, fait obstacle à la marche universelle. Dieu offre l'Afrique à l'Europe. Prenez-la. Non pour le canon, mais pour la charrue ; non pour le sabre, mais pour le commerce ; non pour la bataille mais pour la fraternité. Versez votre trop-plein dans cette Afrique, et du même coup, résolvez vos questions sociales, changez vos prolétaires en propriétaires... Faites des routes, faites des ports, faites des villes, croissez, cultivez, colonisez, multipliez.» Signé Victor Hugo, lors d'un banquet commémorant... l'abolition de l'esclavage, le 18 mai 1879.

C'est là, en somme, tout le programme de l'instauration d'une «échelle de progrès (...) au sommet de laquelle se trouvent des civilisés et en bas des "barbares" réduits aux ténèbres, et qu'il convient donc d'éduquer, de faire évoluer pour leur plus grand profit et celui de l'hum