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Libération
TRIBUNE

Un élixir de vie et de vitalité combattante

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par Daniel Bensaïd et Alain BROSSAT
publié le 22 mars 2006 à 20h42

Ce n'est pas nous qui le disons, mais un professeur à Sciences-Po : «La France a sacrifié les jeunes depuis vingt ans» (Louis Chauvel, le Monde du 7 mars). La chose pourrait, peut-être, se formuler avec davantage de précision : le contrat première embauche, c'est une politique, l'aboutissement d'une suite sans fin de mesures et de dispositifs destinés à donner force de loi à la précarité de l'emploi, au chômage et à l'insécurité imposés à la jeunesse par des gouvernements successifs et dont la couleur importait moins que leur détermination sans faille à asseoir ce mode nouveau de domestication de la jeunesse.

Ici, l'idéal d'une jeunesse tétanisée, dispersée, désorientée par la perspective de devoir «galérer» sans fin, quel que soit (ou presque) son niveau de qualification, d'une jeunesse impuissante et dépolitisée, rencontre celui d'une doctrine libérale à très courte vue : une force de travail à prix cassé, corvéable à merci, jetable après emploi, comme le scandaient les lycéens et étudiants dans les récentes manifestations.

On voit à quel brillant résultat aboutit cette politique au long cours, inspirée par l'épaisse bêtise atavique des élites gouvernantes de ce pays : à ce mouvement de fureur collective qui a saisi les cités au mois de novembre, suite aux provocations verbales du ministre de l'Intérieur, et, aujourd'hui, à ce soulèvement porté par une sorte d'énergie du désespoir, mais en même temps parfaitement maîtrisé par ses acteurs mêmes, bref, un mouvement dans lequel