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Libération

La gifle

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publié le 27 mars 2006 à 20h44

Bien sûr, on peut tout imaginer... On peut imaginer, planqué sous la casquette rasta d'Eunice Barber, un sac en plastique de chez Casino recelant trois livres de cannabis. On peut imaginer ses dents de sauvageonne, et double championne du monde cependant, plantées dans la viande policière. On peut l'imaginer, elle, façon rappeuse pas contente, rock-star très colère ou diva contrariée, insultant, du haut de ses podiums, l'agent de la circulation, le petit personnel du palace cinq étoiles ou l'hôtesse de l'air classe affaires... Avec une belle Black comme ça au volant d'une belle bagnole comme ça dans les rues de Saint-Denis, évidemment, on peut tout imaginer (Libération des 25 et 26 mars). Quelque chose contrarie pourtant cela, et n'est pas que l'extrême timidité d'une Barber qui onques n'enragea que sur le tartan de ses compétitions ; ni son émotive dévotion aux drapeau et Marseillaise d'adoption ; ni sa conscience triste d'être pour l'éternité une enfant miraculée de la misère et de la guerre sierra-léonaises ; ni ses larmes ; ni même notre intime conviction. Ce qui contrarie la thèse policière d'une tigresse (ou d'une «panthère noire», comme le racisme bienveillant des stades aime à se figurer l'athlète «de couleur») déchaînée, c'est d'ores et déjà cette photo de la jeune femme ensevelie sous cinq uniformes, image que l'Equipe produisit, que la télé reproduisit et que la justice aura à interpréter. Et plus encore, et pire encore, les mots éclatants de sincérité candide d'u