Menu
Libération
TRIBUNE

Place aux événements voyous

Article réservé aux abonnés
publié le 14 avril 2006 à 20h56

Rendons grâce à M. de Villepin de se sacrifier sur l'autel du pouvoir, non seulement par ambition personnelle mais pour faire la preuve qu'il y a encore du pouvoir, et en sauver l'idée, dans une scène politique en pleine décomposition. Et, dans son cas, cela est d'autant plus pathétique qu'il le fait au nom du libéralisme mondial, celui-là même qui, justement, met fin un peu partout à l'exercice du pouvoir proprement politique. En face, et c'est toute l'ironie de la situation, les jeunes et les étudiants se battent eux aussi pour sauver une vieille idée, celle de la révolte, et laisser croire qu'il y a encore, au fond de cette société stagnante et croupissante, dont les seuls idéaux sont devenus ceux du confort, de la performance et de la sécurité, une force vive et irréductible, de refus et de subversion. Mais le plus drôle et le plus pathétique là aussi, c'est qu'ils le font en revendiquant exactement les modèles de vie et de société, de programmation économique de travail et d'existence qui sont à l'origine de l'ennui et du désenchantement de cette même société.

Donc, à ce niveau d'interprétation, le bilan est plutôt consternant : on a affaire à un événement farce, où l'un se joue le mélodrame du pouvoir et les autres, celui de la révolte, sans que personne fasse véritablement figure d'acteurs historiques. On aurait affaire à cette «farce schizophrénique» dont parle Ceronetti, trompe-l'oeil destiné à masquer la fin de tout pouvoir ­ aussi bien à ceux qui croient l'exercer