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Libération
TRIBUNE

La fabrique d'une fausse Algérie

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En colorisant les archives qui ont servi à réaliser un film sur l'Algérie, c'est la colonisation qui se retrouve colorisée.
par Benjamin Stora
publié le 31 mai 2006 à 21h24
(mis à jour le 31 mai 2006 à 21h24)

Mardi 16 mai , la chaîne de télévision française M6 diffuse un documentaire de Serge de Sampigny, Quand l'Algérie était française. L'originalité de l'entreprise reposait sur la diffusion d'archives «tout en couleurs» tournées en Algérie dans les années 1940-1950 (donc pendant la période de la guerre d'Algérie).

Effectivement, défilent devant nos yeux des archives visuelles venues de familles essentiellement «européennes». Dans ces années-là, il fallait être bien fortuné pour tourner des petits films en couleurs, et rares étaient les familles algériennes d'Algérie pouvant se permettre de telles pratiques.

Pour l'universitaire algérien Chaffik Benhacène, «l'inédit est sélectif. Il exclut la quasi-totalité des musulmans, globalement démunis, et dont il est tragiquement risible d'imaginer qu'ils pouvaient, en sus, disposer de ces caméras super-8 aux fins de fixer les images de leur dénuement et de leurs misères». Le téléspectateur voit donc surtout de riches Européens faire du ski en Kabylie, se promener au Sahara ou assister à des courses de chevaux à Alger. Ce qui ne manque pas de surprendre quand on connaît le niveau de vie des familles européennes de cette époque... bien inférieur à ceux des habitants de métropole.

La surprise vient pourtant de la colorisation des archives souvent issues de l'INA ou de l'ECPA. De l'enterrement de soldats français à Khenchela en novembre 1954 à la «bataille d'Alger» de l'année 1957, en passant par la terrible répression d'août 1955 dans le Nord