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Libération
TRIBUNE

Parce qu'il n'y a qu'une espèce humaine.

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par Etienne Balibar, Marie Desplechin, Gérard Noiriel et Bertrand OGILVIE
publié le 12 juin 2006 à 21h46

Nous, artistes et créateurs en tout genre, intellectuels, avons pris la mesure du lent travail des cultures dans l'histoire pour qu'éclose difficilement l'idée de l'unité et de l'indivisibilité de l'humanité.

Nous voulons avoir constamment en mémoire ce jugement de Robert Antelme qui, à la sortie du camp de concentration dans lequel il avait été exposé à la mort, écrivait (1) : «La variété des rapports entre les hommes, leur couleur, leurs coutumes, leur formation en classes masquent une vérité qui apparaît ici [dans les camps de concentration allemands] éclatante, au bord de la nature, à l'approche de nos limites : il n'y a pas d'espèces humaines, il y a une espèce humaine. C'est parce que nous sommes des hommes comme eux que les SS seront en définitive impuissants devant nous. C'est parce qu'ils auront tenté de mettre en cause l'unité de cette espèce qu'ils seront finalement écrasés. Mais leur comportement et notre situation ne sont que le grossissement, la caricature extrême ­ où personne ne veut, ni ne peut sans doute se reconnaître ­ de comportements, de situations qui sont dans le monde et qui sont même cet ancien "monde véritable" auquel nous rêvons. Tout se passe effectivement là-bas comme s'il y avait des espèces ­ ou plus exactement comme si l'appartenance à l'espèce n'était pas sûre, comme si l'on pouvait y entrer et en sortir, n'y être qu'à demi ou y parvenir pleinement, ou n'y jamais parvenir même au prix de générations ­, la division en races ou en classes étant