Une statue de l'île de Pâques sur la place de la Concorde, un gantelet de culture chinu sur la place Vendôme, telles sont les affiches qui présentent la mission octroyée au musée du quai Branly : les cultures sont faites pour dialoguer. Nous vivons désormais sous le règne de la virginité d'une esthétique universelle. Tous les objets des civilisations sont désormais assimilés à des oeuvres d'art. C'est la meilleure manière de conserver leur aura pour les temps présents et à venir. Dès la mise en place du futur musée, un conflit a éclaté entre une conception ethnographique de l'objet et le pouvoir abusif accordé à son aspect esthétique. La qualité esthétique de l'objet étant associée à la primauté de son appréhension, elle joue le rôle paradoxal de subsumer toutes les caractéristiques de l'objet et de l'en délivrer. Il y aurait ainsi un degré zéro de l'objet qui devrait permettre de lui accorder une autre vie dans un musée proposé comme un espace idéal de confrontation des savoirs et d'épiphanie des émotions. L'objet serait assigné, par la reconnaissance de sa singularité artistique, à transcender son appartenance culturelle, sa souveraineté devenant la garantie visible d'une pérennité des civilisations. Sa dimension sacrée ne viendrait plus de sa fonction religieuse. Elle ne serait pas niée en tant que telle, elle serait subsumée au pouvoir tenu pour surnaturel de la culture elle-même. L'esthétique devient donc l'origine et la finalité de toute culture. Mais comment un musée
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Un sanctuaire ethnologique
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publié le 20 juin 2006 à 21h30
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