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Libération
TRIBUNE

Elisabeth Schwarzkopf, son tout dernier lied

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par François-Xavier AJAVON
publié le 7 août 2006 à 22h52

Ainsi, la grande soprano européenne Elisabeth Schwarzkopf vient de mourir, en Autriche, à un âge avancé, tout rond (90 ans), et au terme d'une carrière exemplaire, unanimement saluée. Les grands médias vont de leur petit couplet nécrologique guindé ; les radios et les télévisions à caractère culturel ressortiront des archives les bobines ad hoc et nous concocteront des émissions spéciales, pleines de fausses surprises...

«Est-ce peut-être ceci, la mort ?» chantait-elle, vibrante et inextinguible, cette chère Mme Schwarzkopf, dans le dernier des Quatre Derniers Lieder de Richard Strauss, intitulé Dans le rouge du couchant (Im Abendrot). Les mélomanes ont nécessairement dans l'oreille à la fois son enregistrement des années 50, avec le chef d'orchestre Otto Ackermann à la tête du Philharmonia Orchestra, et celui de 1966 avec George Szell aux commandes du Radio-Symphonie-Orchester de Berlin. Deux profondes visions de l'oeuvre-testament de Strauss, mais aussi deux fascinants portraits de femme (la femme-enfant face à la femme mûre), deux gages de son extraordinaire «métaphysique vocale».

Car Schwarzkopf frappe au-delà du sensible, de la chair de poule, de la larme à l'oeil, du frisson débordant, de la fièvre, au-delà ­ même ­ des catégories kantiennes de l'esthétique transcendantale, pourquoi pas, l'espace, le temps... Sa voix était l'au-delà spatio-temporel, accessible sur compact disc. Elle frappe, elle frappait le coeur de nos interrogations humaines, sans