Pour comprendre, sans excuser, comment un écrivain comme Günter Grass a pu se battre adolescent dans la division SS Frundsberg, il faut se souvenir de Dantzig, la ville sur la Baltique où il est né, en 1927, et où il a grandi. C'était l'époque de la «ville libre», créée à l'issue de la première guerre mondiale pour trouver un compromis entre le caractère majoritairement germanophone de la ville et les intérêts économiques de la Pologne recréée en 1919.
Dantzig est une ville qui a connu depuis le début du XIVe siècle une histoire tourmentée. Avec la création de l'Empire allemand en 1871 et les poussées nationalistes allemandes, ainsi que la montée parallèle du nationalisme polonais (alors que l'Etat polonais était partagé entre l'Allemagne, la Russie et l'Autriche-Hongrie), l'Est allemand devint un enjeu symbolique majeur. Le gouvernement allemand chercha à germaniser toutes les provinces de l'Est, créant pas mal de rancoeurs. Dantzig, alors capitale de la province de Prusse-occidentale, ville germanophone face à des campagnes slaves, devint ainsi un bastion du nationalisme allemand. La défaite simultanée des trois empires (Allemand, Autrichien et Russe) permit la reconstitution d'un état polonais en 1918-1919. La Prusse dite occidentale fut rattachée sans plébiscite à la Pologne, suscitant la colère des nationalistes allemands. Dantzig devint Ville Libre, séparée du Reich.
Le compromis de 1919 ne permit pas d'apaiser la tension. Un nationalisme allemand extrême n'accepta jamai