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Libération
TRIBUNE

Les recalés de l'intégration

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Autrefois chômeurs, aujourd'hui indésirables. Le statut de migrant ne cesse d'être diabolisé.
par Nacira Guénif, enseignante-chercheure. Université Paris-XIII.
publié le 1er septembre 2006 à 23h08
(mis à jour le 1er septembre 2006 à 23h08)

A l'époque, c'étaient les femmes qui étaient sans papiers, clandestines, recluses chez elles, craignant même d'aller chercher leurs enfants à l'école, hantées par la peur d'être repérées et arrêtées. Leurs maris étaient des ouvriers immigrés, ils avaient une carte de séjour qui allait devenir carte de résidence après la victoire de la gauche et après que le Président fut rappelé à une de ses nombreuses promesses non tenues par des marcheurs-pour-l'égalité venus de toute la France. Pour combien de temps encore seraient-ils en règle avec un Etat qui allait bientôt commencer à compter ses chômeurs immigrés pour en faire les premiers boucs émissaires d'une longue litanie du déclin de l'ancien empire surpuissant ?

Quant à leurs femmes invisibles, elles le restèrent. Je me souviens être allée visiter ces cousines avec ma mère, dans les réduits humides et sombres qui leur servaient de maison. Elles ont subi l'indifférence de leurs voisins et la pression ombrageuse de leurs hommes dont certains, atteints par de nouvelles déchéances, réaliseront enfin qu'ils trouvaient en elles leur meilleure bouée de sauvetage. Les rares militants qui virent alors se mettre en place la routine de ces dénis de droit et des petites oppressions qui pouvaient croître à leur ombre ont compris que ce n'était que le début.

La suite, après d'innombrables épisodes, se joue aujourd'hui avec de nouvelles et nouveaux venus et se noue autour de leurs enfants scolarisés. Cette fois, leurs visages nous sont apparus