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Libération
Critique

De gauche, donc conservateur !

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Plutôt que de désigner comme «progrès» tous les changements, même les plus régressifs, la gauche devrait s'appliquer à sauvegarder le système tempéré de la social-démocratie.
par Benoît Duteurtre, romancier.
publié le 4 septembre 2006 à 23h09
(mis à jour le 4 septembre 2006 à 23h09)

J'ai beaucoup pris le train, cet été. Ce qui m'a permis d'admirer les prouesses du TGV... et m'a valu quelques poussées de colère : ici parce qu'une liaison secondaire était supprimée ; là parce qu'un train Corail semblait à l'abandon ­ voitures sales, climatisation en panne (le sort commun des lignes dont la SNCF souhaite se débarrasser) ; ou, plus généralement, parce que l'embrouillamini des tarifs rappelle de plus en plus les compagnies aériennes avec leurs promotions bradées et leur «business class» hors de prix. D'une conversation à l'autre, je me suis étonné qu'on délaisse ainsi (sans consultation démocratique) le sacro-saint principe du «service public» : même prix du kilomètre pour tous les citoyens, où qu'ils demeurent. Faut-il vraiment que la seule logique de rentabilité conduise ainsi à moduler les tarifs, à délaisser les pans trop coûteux du réseau ferré, sans parler du fret sacrifié sur l'autel de la «rentabilité» ­ au moment où chacun sait pourtant que le trafic routier contribue pour beaucoup à l'étouffement de la planète ?

Comme j'émettais ce genre de remarques, je me suis entendu répliquer : «Le vieux modèle ne fonctionne plus. «C'est la faute des syndicats, arc-boutés sur leurs privilèges [...]. Il faut être de son temps...» D'un glissement à l'autre, le fait de défendre une conception «exigeante» de l'entreprise publique me désignait ainsi comme un passéiste ; et avec moi les cheminots qui n'hésitent pas (ces salauds) à se battre pour protéger leur