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Libération
TRIBUNE

La SNCF rate le train de l'histoire

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par Jean-Marc DREYFUS
publié le 8 septembre 2006 à 23h13

La décision du tribunal de Toulouse, qui a donné raison à la famille Lipietz et a condamné la SNCF à payer des dédommagements pour sa complicité dans la déportation, est à coup sûr historique. Les 200 plaintes déposées collectivement à la suite de ce premier verdict montrent que, pour de nombreuses familles juives, l'heure de l'indifférence et de l'oubli n'a pas encore sonné.

Elles signalent aussi un fait intéressant : que la SNCF n'a pas fait son travail de mémoire. L'entreprise publique a beau jeu de rétorquer qu'elle a commandité une large étude sur son histoire pendant les années noires, organisé un grand colloque aussi, dont les actes ont été publiés. La SNCF a aussi fait circuler dans ses gares une belle exposition sur la déportation des Juifs de France, une entreprise simple et pédagogique organisée par l'association Les Fils et Filles des déportés Juifs de France. Cela n'est pas suffisant pour contenter la demande de mémoire et de reconnaissance de nombreuses familles de victimes, et ces efforts contrastent largement avec la situation outre-Rhin. En Allemagne, des dizaines de grandes entreprises ont mis sur pied des commissions d'historiens, comprenant souvent des spécialistes étrangers, pour écrire dans le détail l'histoire de leur compromission avec le nazisme. Bertelsmann, Volkswagen, la Deutsche Bank, plus récemment la Dresdner Bank (qui fut si nazifiée), pour ne citer que les entreprises les plus visibles, ont fait écrire les pages les plus noires de leur passé,