«Nous partons aujourd’hui, mon moral est très bon. Seulement je me soucie de vous, qu’on vous laisse en paix. C’est terrible, on a emmené ici des familles entières, de 16 à 45 ans, ils partent tous avec nous. On leur a pris les enfants.» Signé Joseph Biglaizer, 17 juillet 1942, depuis le camp de Pithiviers. Comme lui, vingt-quatre jeunes gens âgés, de 12 à 17 ans, sont arrivés par le convoi 6, ce 17 juillet-là, aux camps de regroupement de Pithiviers et de Beaune-la-Rolande.
Aujourd'hui, sa nièce, Charlotte Biglaizer-Dugowson témoigne au nom des siens à jamais disparus. L'oncle Joseph, malgré son «bon moral»,«n'avait aucune illusion», et, dans une famille où l'on «n'a pas dit un seul mot» sur la déportation au lendemain de la guerre, sa descendante se souvient. Et, avec elle, les descendants de ces femmes et de ces hommes, emmenés «par la police française» vers des camps en France, antichambres des camps de la mort nazis, se sont consacrés à cette oeuvre de modeste célébration.
En l'occurrence, le «devoir de mémoire» s'incarne ici en autant de «sépultures symboliques» pour ceux qui ne revinrent jamais dans la trace d'une dernière lettre, d'une photo à la couleur passée, d'objets bricolés, tel ce petit lit sculpté «pour ma fille Annette», ou dans de longues listes des commissariats, de préfectures, qui dévoilent, ici ou là, de petites infamies comme cette note de frais du 23 juillet 1942, envoyée par les Rapides de Bourgogne, pour le pa