Il existe un Conseil représentatif des associations noires (Cran). Je serai après tout mal placé pour m'en offusquer. Que celui-ci soit présidé par Patrick Lozès, qui ne fait pas mystère de sa volonté de concourir, ès qualités, à des élections nationales, rend déjà cette entreprise plus problématique. Mais que le même exige, après avoir réalisé le premier sondage ethnique de l'histoire de la République, «qu'il y ait 8% de députés noirs» à l'Assemblée nationale: voilà qui mérite l'indignation de tous ceux qui partagent le souci de la lutte contre le racisme et les discriminations.
Je ne nie rien du drame qui fait que, dans notre pays, ceux qui se heurtent au racisme quotidien sont aussi ceux qui sont absents des sphères de décision et de représentation et que ces derniers vivent dans une sorte de «double peine» qui ne saurait durer plus longtemps. Mais aussi bien inspirée soit-elle, la démarche du Cran doit être rejetée avec force, au nom des intérêts qu'elle prétend servir et parce qu'elle fait planer un péril grave sur notre modèle républicain.
La discrimination positive ethnique repose sur des classifications arbitraires génératrices de frustrations, car aucune catégorie identitaire n'est en soi totalement fondée ou juste. Le cas échéant, chacun serait poussé à créer des sous-regroupements infinis et jamais exhaustifs. Ainsi la population noire voulant bénéficier de la manne réclamée par son organe représentatif devrait arbitrer entre les impétrants d'origine africain