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Libération
TRIBUNE

Quand bosser devient insensé

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par Thomas Coutrot, Françoise DESRIAUX et Nicolas SANDRET
publié le 5 avril 2007 à 7h02

Comment ne pas voir à travers les récents suicides de salariés, sur les lieux mêmes de leur travail, chez Renault, Peugeot, ou encore EDF, la marque de la dégradation des conditions de travail ces dernières années ? Au-delà de ces cas dramatiques, on observe également d'autres phénomènes qui ne laissent guère de place au doute. Ainsi, l'explosion de cas de harcèlement moral ne tient vraisemblablement pas à la recrudescence de personnalités perverses au sein de l'encadrement. De même, l'épidémie de troubles musculo-squelettiques comme des syndromes dépressifs ne provient sans doute pas d'une plus grande fragilité des jeunes générations. Les enquêtes statistiques sur les conditions de travail menées périodiquement par le ministère de l'Emploi indiquent clairement une forte dégradation entre 1984 et 1998. Certes, la dernière édition publiée au début de l'année tend à montrer une pause dans l'intensification du travail. Pour autant, cela reste très préoccupant. Ce ne sont donc pas les salariés qui perdent la tête, mais le travail lui-même qui devient insensé.

Malgré les progrès techniques, malgré l'augmentation des qualifications, malgré l'essor des emplois de service, la pénibilité physique n'a pas reculé, et la charge mentale s'est considérablement accrue. A travers de multiples enquêtes, les salariés expriment un sentiment général de dégradation de la qualité de vie au travail, que de nombreux chercheurs de différentes disciplines au plan international attribuent à l'intensifi