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Libération
TRIBUNE

Le paravent humanitaire

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par Anne Vallaeys
publié le 29 mai 2007 à 8h00

La chronique d'Alain Duhamel, «Kouchner, le boomerang bien aimé» (Libération du 23 mai), réitère des idées reçues, une perception historique erronée, qu'il serait juste de rétablir. Il est admis, généralement, que le nouvel humanitaire naît au Biafra en septembre 1968, sous l'impulsion de Bernard Kouchner. A l'appel de la Croix-Rouge française, une poignée de médecins pénètrent dans l'enclave sécessionniste du Nigeria, pilonnée par l'armée fédérale. Il est l'un des deux cents médecins (cent Suisses, soixante-dix Suédois) qui se relaient, effarés, dans la cruauté d'une guerre sans image. Grâce à la presse, Kouchner et ses amis écrivent, enfreignant la règle du silence édictée par la Croix-Rouge de Genève. La rupture du pacte de neutralité apparaît sans conteste comme élément fondateur d'une action humanitaire d'urgence, d'où surgira le concept de droit d'ingérence, dont Kouchner est le chantre.

Dans la version officielle, jamais ne sont abordées les ambiguïtés, voire le piège, où cet humanitaire nouveau se laissera enfermer. Ainsi, quand quarante ans plus tard, il est question du Biafra, les intérêts d'Elf, la dimension franco-pétrolière de l'enjeu du conflit sont écartés, comme s'il s'agissait d'un obscur conflit ethnique africain, un de plus... Pourtant, le Biafra fut le fruit de la conjonction politico-militaire d'une opération médicale et d'actions armées, où l'Elysée usa des bases aéroportées gabonaises et ivoiriennes dans une guerre de pillage à l'époque de la gue