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Libération

Le damné de sous terre

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publié le 16 juin 2007 à 8h21

Le clignotant «par ici la bonne soupe pour les pédésexuels» indique une mauvaise direction. Car cette image d'homme bandé a surtout déclenché les filles qui, in situ le bureau, l'ont trouvée : excitante (55 % des personnes interrogées), sexy (35 %), charmante (9 %), cool (0,5 %), hot (0,5 %), ne se prononcent pas (0 %). Une sondée précise que le comble de l'érotisme ne tient pas au cul nu mais à la main de l'homme en position de profil égyptien qui rend ce Sicilien de 1953 quasi pharaonique. La calotte qui couronne sa tête augmente cette allusion à l'antique. La photographie ayant été prise dans une mine de soufre dans les années d'après-guerre où le cinéma italien inventait le néoréalisme, il est patent qu'elle participe de cette esthétique morale consistant à s'intéresser aux damnés de sous terre plutôt qu'aux puissants. Mais on peut dire aussi de ce corps sculpté par la photographie qu'il redonde avec une tout autre exaltation des nudités musclées qui fit en Italie la gloire de la statuaire fasciste, en Allemagne celle du nazi Arno Brecker, et en URSS le triomphe du prolétaire en Apollon de la classe ouvrière. C'est cette étrange réversibilité du désir qui trouble le plus. Il faut se dire que dans les pires moments du nazisme ou du réalisme socialiste, il y avait peut-être un jeune homme et/ou une jeune fille qui levant les yeux sur ces figurations totalitaires de la perfection en concevait malgré tout un trouble sexuel transcendant le malheur de les subir. Sinon, on voit