Une instruction judiciaire peut constituer la poursuite de la guerre par d'autres moyens. C'est le cas de l'ordonnance rendue, le 17 novembre 2006, par le juge antiterroriste Jean-Louis Bruguière, qui a suscité d'inconséquents applaudissements dans certains milieux de notre pays. Les neuf mandats d'arrêt internationaux, lancés contre de proches collaborateurs du président rwandais, Paul Kagame, accusés d'avoir pris part à l'attentat du 6 avril 2004 contre l'avion de l'ancien président Juvénal Habyarimana, ont tenté de réaliser depuis Paris ce que les militaires français présents au Rwanda avaient échoué à faire entre 1990 et 1993 : démanteler les «forces adverses» du Front patriotique rwandais.
Comme il était prévisible, voire souhaité, cette offensive judiciaire n'a eu d'autres conséquences pratiques qu'une rupture des relations diplomatiques entre les deux pays, dix jours seulement après la publication de cette ordonnance qui avait obtenu l'aval du garde des Sceaux, malgré, semble-t-il, l'hostilité du Quai d'Orsay. Devant la persistance de cette crise, il est utile de se demander à qui elle profite. L'Etat rwandais n'a pas manqué d'exploiter sa posture de victime de «l'impudence française», contrastant avec les excuses des autres membres de la communauté internationale qui ont confessé leur passivité face à la perpétration du génocide de 1994. Il ne manque pas d'arguments, car, au lieu de se concentrer sur l'identification des auteurs de l'attentat qui a été le déton