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Libération

Barre, un chancelier à la française

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publié le 29 août 2007 à 9h24

Raymond Barre donnait le change et le faisait le plus délibérément du monde. Avec ses costumes surannés, son éternel petite pochette blanche, sa voix flûtée, ses gestes de protonotaire apostolique, il se composait une silhouette de notaire de province florissant. Il affichait en toutes circonstances un classicisme imperturbablement désuet, depuis ses goûts personnels - l'opéra, la gastronomie, Alexandre Dumas, Venise - jusqu'à sa trajectoire de grand universitaire élu aux chaires les plus prestigieuses, dont les manuels (assommants) faisaient autorité, dont les diagnostics impitoyables faisaient trembler, à qui il allait de soi que les gouvernements successifs demanderaient avis, rapports et expertises. L'Institut était fait pour lui (il y siégeait naturellement) et on l'aurait mieux imaginé marchant à petits pas dans les salons lugubres du Sénat que dodelinant de la tête sur les bancs agités du Palais-Bourbon. En apparence, un esprit distingué baignant dans l'orthodoxie, un grand notable vertueux, compétent, conservateur et ferme comme en produisait quelquefois la IIIe République. La réalité est bien entendu plus originale et même plus atypique que cela. Raymond Barre était avant tout un esprit indépendant et résolu. Par tempérament, il était profondément gaullien. Le Général était - de loin - la personnalité qu'il admirait le plus. L'homme du 18 Juin avait d'ailleurs donné plusieurs preuves de confiance (dont il était pourtant si parcimonieux) à l'universitaire prometteur