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Libération

Délicates questions ethniques

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publié le 26 novembre 2007 à 1h41

Moins paralysante que les grèves de cheminots, et moins bruyante que les manifestations étudiantes, une polémique aux enjeux tout aussi importants se joue ces jours-ci. Le débat, qui s'est cristallisé sur l'enquête «Trajectoires et origines» (TEO), de l'INSEE et de l'INED (l'Institut national d' études démographiques), porte sur le bien fondé d'inclure des questions à caractère «ethnique» dans les enquêtes statistiques. Aujourd'hui, la France fait figure d'exception dans les pays de l'OCDE, en n'incluant pas de question sur l'appartenance ethnique dans les enquêtes officielles. Cette omission est délibérée et justifiée : elle correspond à une certaine vision que la France a d'elle-même, celle d'un pays privilégiant l'intégration, dans un modèle républicain égalitaire. Cette vision contraste avec l'approche «melting-pot» des Etats-Unis ou de l'Angleterre, où l'identité nationale se conçoit comme étant compatible avec une juxtaposition de cultures affichées et revendiquées.

Or la statistique, surtout la statistique officielle, n'est pas neutre. Elle contribue à la légitimation des catégories qu'elle utilise. C'est pour cette raison que l'appareil statistique français est jusqu'ici resté à l'écart de cette question. Mais cette omission a naturellement un coût : en ne collectant pas de données systématiques sur l'appartenance ethnique, on limite fortement les possibilités d'étudier les différences des trajectoires éducatives et professionnelles, et donc de diagnostiquer dans quel