Tout au long de sa campagne présidentielle et depuis qu'il a été élu chef de l'Etat, Nicolas Sarkozy n'a cessé d'agiter les drapeaux du changement. L'originalité de sa démarche tient pourtant moins à ses idées ou à ses réformes qu'à son style et à son tempo. Le nouveau président de la République ne fait rien comme les autres et entreprend tout au pas de charge. Il n'est pas le premier à vouloir incarner la rupture ou la nouveauté : le général de Gaulle l'a fait bien avant lui, de manière fracassante, dès 1958. Si Georges Pompidou s'est glissé plus modestement dans les habits de son illustre prédécesseur, Valéry Giscard d'Estaing, lui, a proclamé dès son entrée au palais de l'Elysée son ambition de «conduire le changement». En 1981, la grande alternance de François Mitterrand constituait de toute évidence une fracture historique, même si le seul socialiste français jamais élu président au suffrage universel direct était beaucoup trop lucide pour croire à son slogan rimbaldien de «changer la vie». Jacques Chirac lui-même, tout pompidolien dans l'âme qu'il ait été, l'a emporté en 1995 au son de la «fracture sociale».
Sous la Ve République, le mythe du changement constitue la norme. On n'accède à l'Elysée qu'enveloppé dans le manteau criard de la rupture. Le talent particulier de Sarkozy n'a pas été d'inventer une stratégie, mais de le faire croire aux Français. D'ailleurs, les réformes entreprises s'avèrent souvent moins profondes et moins aventureuses qu'on ne pourrait l