Certains anniversaires ont un goût de cendres. Tel est le cas des 30 ans de la loi informatique et libertés du 6 janvier 1978, qui inaugura l'ère des autorités administratives voulues «indépendantes» du pouvoir en créant la Cnil (Commission nationale informatique et libertés). Clé de voûte du dispositif de protection de la loi de 1978, la commission fut surtout pensée par le législateur comme un garde-fou contre les immixtions de la technique dans la vie privée des citoyens et les progrès du fichage à mesure que l'informatisation de la société française s'accélérait. Trente ans plus tard, nul ne prétend sérieusement que cette ambition a été satisfaite. Si bien qu'Alex Türk, l'actuel président de la Cnil, se risque aujourd'hui sans exagération à employer les termes de «société de surveillance», doux euphémisme désignant le triomphe légal d'une société de contrôle généralisé. Comment la commission a-t-elle accompagné cette régression de grande ampleur présentée comme irréversible ?
On oublie que ses débuts se sont d'emblée accompagnés de critiques tenant notamment à sa représentativité et une absence flagrante de moyens au détriment de son pouvoir d'intervention. Il est vrai que marquée à droite et masculine, faisant la part belle aux représentants des sociétés multinationales consommatrices de fichiers, la Cnil était bien peu représentative du tissu social, quelques syndicalistes tenant lieu d'alibi. Par la suite, le jeu des nominations, combinant placement de personnal