Je le voyais venir de loin. Dès 1993, j'étais terriblement convaincu qu'il finirait un jour président. Sa rhétorique me semblait déjà une machine de guerre à la télégénie sidérante. Logique manichéenne à plein régime, le choix du Bien-qui-combat-le-Mal et autres imparables lapalissades balancées avec aplomb : «Si nous ne réussissons pas, nous échouerons.» (l'Heure de vérité, 18 mars 1993).
Virtuosité. Déjà à l'époque, certains planchaient sur ce cas-là et disaient, souvent sans pincettes, tout ce qu'on ressasse aujourd'hui. L'écrivain Jean-Marc Lenglen, par exemple, observait que cet oiseau «possède un art inégalé pour donner aux gens à qui il s'adresse l'impression qu'ils ne croient en rien.», l'art de discréditer non pas les convictions de l'adversaire, mais sa capacité même à avoir des convictions. Disqualification non pas des idées, mais de la personne, sous l'angle du «je veux plus que toi.» Frapper ad hominem, mine de rien et bien bas. «Sarkozy a compris, mieux que certains vieux connards de son parti, que l'important ce n'est pas ce qu'on dit, c'est de le dire à la télé», notait, toujours en 1993, le chansonnier Pierre Douglas.
Et Marguerite Duras, trois ans avant sa mort, usait contre l'homme et sa clique l'une de ses dernières colères : «La droite n'a pas d'idées. La pensée, chez elle, il faut la chercher longtemps. Elle disparaîtra. Quand on voit des caricatures comme ce gars de Neuilly, alors là ça risque d'aller vite. Il y a de