Comment qualifier le climat de cet avant-printemps, de ce mois de mars dont le regretté Pierre Desproges prédisait autrefois ironiquement, «sans aucune arrière-pensée politique», qu’il ne passerait pas l’hiver ?
D'abord l'ahurissement, l'incapacité de saisir ce qui se passe et nous entraîne depuis dix mois. Dix mois seulement mais la durée, la sensation de durée ne veulent plus rien dire, non plus que la mémoire d'hier et la représentation de demain. Sarkozy dissout le passé le plus récent et rend illisible l'avenir. Il nous enferme dans un présent perpétuel d'annonces sans lendemain, de péripéties privées, dans un surgissement quasi quotidien de choses nouvelles aussitôt oubliées et remplacées par d'autres à l'image même des médias dominants qui ont favorisé, euphémisme, son élection : le virtuel et l'amnésie.
Une croisière sur le yacht d'un milliardaire, l'angine de Cécilia, un divorce, une «politique de civilisation», un remariage, l'adoption par un élève de CM2 d'un enfant juif mort en déportation, un échange d'invectives au Salon de l'agriculture : une accumulation de «jamais-vu» qui alimente sans arrêt les discours et suscite d'étranges émerveillements, Sarkozy lève tous les tabous, il est subversif.
On pourrait réagir par la dérision si l'on n'avait le pressentiment glaçant que «nous n'avons encore rien vu».
Tandis que le Parti socialiste s'indigne poliment au coup par coup, que les médias s'échinent à commenter et à décrypter le langage, le comportement du