Otez l'idée de progrès : il n'y a plus de gauche. Le pessimisme qui domine l'esprit public des grandes démocraties - pour ne pas dire le catastrophisme - explique en grande partie la crise de la gauche européenne. Les méditations mélancoliques sur le déclin de la culture, les réflexions amères sur la crise de la démocratie, la noirceur des prévisions écologiques qui nous promettent l'inévitable apocalypse pour demain, les sinistres diagnostics sur l'irrésistible complot des forces du marché contre l'humanité qu'on lit dans la littérature altermondialiste, tout cela donne aux conservateurs de droite et de gauche un avantage naturel.
Les uns - libéraux ou réactionnaires - veulent des réformes qui rétablissent en fait l'ordre ancien ; les autres - trotskistes ou alters - prêchent la résistance à la mondialisation sans se soucier outre mesure de concevoir une politique alternative crédible, persuadés que toute collaboration à l'exercice du pouvoir serait une trahison. Seuls les sociaux-démocrates se préoccupent encore de bâtir un programme progressiste. Mais les grandes réformes qui ont fondé leur identité ont été faites au XXe siècle - instauration de l'Etat-providence, redistribution fiscale, libertés publiques et personnelles, pilotage de l'économie. Elles sont maintenant menacées par la mondialisation et les peurs qu'elle suscite, sans qu'une perspective nouvelle vienne en rafraîchir l'actualité. Un travail de refondation, bien sûr, a été entamé ici et là. Il est encore embry