Il y a quelques semaines, avant de battre rapidement en retraite, la ministre de la Santé émettait l'idée de transférer certaines dépenses de soins, notamment l'optique, vers les complémentaires. Cette annonce ressemblait bien à un ballon d'essai, et peut indiquer la tendance qui caractérisera la future réforme de l'assurance-maladie actuellement en préparation : un transfert accru des dépenses de soins de la Sécurité sociale vers les organismes complémentaires (mutuelles, institutions de prévoyance, assureurs). Pourquoi pas ? De nombreux pays s'appuient en effet sur la concurrence entre assureurs pour tenter de fournir une couverture santé la plus efficace possible, celle qui couvrirait, pour tous, les soins de meilleure qualité au meilleur coût. Si le désengagement de l'assurance publique doit se poursuivre en France, il faut mettre en place les régulations adéquates d'un marché concurrentiel de l'assurance-maladie, pour que ce marché puisse produire ses effets bénéfiques.
La mise en place de la Sécurité sociale, en 1948, répondait à un objectif principal : améliorer l'accès de tous les travailleurs et de leurs familles au système de soins, et garantir une offre de soins répondant aux besoins. En d'autres termes, augmenter la dépense de soins. Mais en 1948, la médecine était pour l'essentiel incapable de guérir, ses outils diagnostiques et thérapeutiques restaient limités, et souvent peu coûteux. La question du rationnement des soins ne se posait alors pas de manière si cru