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Libération
TRIBUNE

François Fejtö, passager du siècle

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par Pierre KENDE
publié le 25 juin 2008 à 4h01

Décédé 15 mois avant son centenaire, François Fejtö faisait partie de ces rares parmi nos contemporains qui non seulement avaient vécu la guerre de 14 mais en avaient retenu quelques souvenirs marquants. Il a partagé ses presque 100 ans entre plusieurs patries : la monarchie austro-hongroise dont il était l'enfant, la Hongrie de l'entre-deux-guerres où il est «entré en littérature», la France qu'il avait élue comme domicile en 1938 et où il est mort soixante-dix ans plus tard, enfin l'Italie où il comptait de nombreux amis et qu'il aimait d'un amour presque charnel.

Grand exilé pour les Hongrois de gauche, grand chroniqueur de son siècle pour les Italiens, quel était le statut de Fejtö en France ? Maintenant qu'il n'est plus, on reconnaît en lui ce Passager du siècle (titre d'un de ses ouvrages) et - surtout - cet observateur infatigable du communisme soviétique et de l'Europe centrale qu'illustrent bien de ses livres ainsi que ses remarquables commentaires aux dépêches de l'Agence France Presse. Mais ni les historiens ni les philosophes ne le considéraient comme étant des leurs et rares étaient ceux qui l'avaient spontanément rangé parmi les grands intellectuels de l'époque. De cette catégorie, si difficile à définir, il faisait pourtant partie.

Né dans une ville de la Hongrie méridionale, au sud du lac Balaton et pas loin de la Croatie (dont sa mère, disparue jeune, était originaire) Ferenc Fischl, le futur François Fejtö - Feri pour ses amis - était fils d'un librair