Jusqu’à présent, les débats politiques sur la réforme de la justice en France se sont focalisés sur la question de l’indépendance du parquet par rapport au Garde des sceaux. Comme si la justice se réduisait à sa dimension pénale. Depuis longtemps, malgré quelques tentatives d’indépendance qui ont eu lieu durant les années 1990 à la suite d’affaires politico-financières, il règne en France une tradition de dépendance de la justice par rapport au pouvoir politique. D’ailleurs, notre Constitution ne parle que d’une simple «autorité judiciaire», tandis que des générations d’étudiants de nos facultés de droit ont appris à se méfier du «gouvernement des juges», justification doctrinale de cette tradition bien française qui évite soigneusement de parler de la politisation de la justice. A vrai dire, depuis la fin des parlements de l’Ancien Régime, la justice n’a jamais été conçue comme un pouvoir à part entière. Montesquieu a été trahi au nom de la souveraineté du législateur.
Dans tous ces débats sur la réforme de la justice, un énorme point est passé sous silence, alors qu’il constitue pourtant la caricature de cette tradition, c’est le Conseil d’Etat. Faut-il rappeler que cette institution a été créée par un régime autoritaire, au début du XIXe siècle, au nom du principe révolutionnaire interdisant à la justice de s’immiscer dans les affaires de l’administration, et paradoxalement présentée dans nos facultés de droit comme l’application par excellence de la sép