La figure du lutteur Soljenitsyne a disparu, elle avait même disparu avant sa mort, par la force des choses. Reste l'oeuvre écrite, et reste la légende, le rôle historique joué depuis 1962, date de l'apparition au monde, le jour où, grâce à l'imprimatur de Khrouchtchev, Une journée d'Ivan Denissovitch bouleversa le monde. C'était un chef- d'oeuvre littéraire, mais aussi la levée d'un tabou en URSS, l'aveu de l'existence des camps. Une décennie plus tard, la parution à Paris, puis dans le monde entier de l'Archipel du Goulag paracheva le haut fait initial de 1962, cette fois-ci sans l'imprimatur, dans une lutte à mort avec le pouvoir. Entre-temps, à Khrouchtchev avait succédé Brejnev, c'était le temps de la stagnation.
De ce premier massif d'écriture - la lutte pour la vérité sur les camps, et donc tout le régime communiste - que reste-t-il ? Bien des recherches ont depuis paru. En Russie et en Occident. Les archives du Goulag ont été entrouvertes puis refermées. Alexandre Soljenitsyne n'a pas eu accès aux archives du bourreau, mais il a constitué les archives des victimes, en recueillant les témoignages, qui vinrent spontanément à lui après Une journée. Un auteur comme Anne Applebaum, dont le livre paru en américain et traduit en français, Goulag, peut nous servir à raisonner. A vrai dire, l'ouvrage est surtout une compilation de mémoires connus et récits recueillis par l'auteur à la fin des années 1990, il est à cet égard intéressant, (quoique sou