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Lignes de fuite à travers les Pyrénées

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Dossier Pyrénéesdossier
Résistants, Juifs, militaires alliés: pour fuir le nazisme et rejoindre l’Espagne, ils furent des dizaines de milliers à traverser la chaîne des Pyrénées, tentant de s’évader par des sentiers parfois impitoyables. Récit.
publié le 20 août 2014 à 18h06

Si la liberté pouvait se mesurer, elle serait de 24,2 mètres carrés exactement. C’est la superficie de la minuscule chapelle gothique de Sort, petite ville catalane des Pyrénées espagnoles, dans la province de Lérida. De 1940 à 1945, les autorités franquistes l’avaient transformée en prison. Et c’est dans celle-ci qu’elles entassaient les fugitifs qui avaient réussi à franchir clandestinement une folle succession de cols abrupts et glacés pour arriver trois, quatre ou cinq jours plus tard, de l’autre côté de la frontière, dans les premiers villages espagnols où les carabiniers les cueillaient aussitôt. La liberté, c’était cette pièce unique, affreusement grise et triste où, dans un coin, on peut encore voir d’anciens WC à la turque. Avec une mauvaise soupe et un quignon de pain comme seule pitance, et de la paille pour dormir. Tout à côté, sur la même placette Saint-Eloi, se trouvait la prison des femmes, où il fallait quasiment se plier en deux pour entrer.

Mais, pour qui fuyait l’ordre nazi, les camps de la mort ou de prisonniers, pour qui voulait gagner l’Afrique du Nord et continuer à se battre ou éviter le travail obligatoire en Allemagne, la geôle de Sort était déjà l’antichambre de la liberté… Il y eut des exceptions au début du conflit, mais ceux qui y séjournèrent ne furent pas renvoyés en France, en dépit des sympathies que le régime de Franco vouait à l’Allemagne hitlérienne. Le pire était donc derrière les évadés, même si le présent s’annonçait souvent aussi sombr