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Quand on partait sur les chemins

Tout ce qu'il fallait savoir sur la randonnée en 2015.
(DR )
publié le 19 mars 2015 à 20h16
(mis à jour le 25 mars 2015 à 15h35)

Le samedi matin, en plein hiver, Yann met son réveil à 4 heures. Ce Toulonnais bientôt quadragénaire attrape sac à dos, appareil photo et pique-nique préparés la veille pour filer en direction du parc du Mercantour, à deux heures de route. Son objectif ? Une randonnée dans la vallée de La Vésubie à l'heure bleue, ce moment où l'aube glacée prodigue une lumière magique sur le relief vert lichen du massif… «Je viens chercher une atmosphère mystérieuse, une coupure franche avec mon quotidien de citadin…»

Yann fait partie des 6,5 millions de Français pratiquant la randonnée à la journée en France (1). Si l'on comptabilise ceux s'adonnant à la balade courte ou digestive, ce sont quelque 18 millions de concitoyens, soit 1 Français sur 3, qui crapahutent régulièrement dans l'Hexagone. Loin du bling-bling, du sport business et ou compétitions médiatiques… «Le nombre et le profil de ces marcheurs, âgés de plus de 50 ans pour la moitié, sont stables. Toutefois, un rajeunissement s'annonce avec l'essor de nouvelles pratiques», analyse Jean-Michel Humeau, directeur de la Fédération française de randonnée pédestre (FFRP). Tour d'horizon de ce qui marche en 2015.

Plus d’efforts

Parmi les nouvelles disciplines, la marche nordique, séduit de plus en plus d'adeptes par son côté dynamique. A l'aide de deux bâtons légers et flexibles (à ne pas confondre avec les sticks rigides des marcheurs classiques), on accentue le mouvement de balancier naturel des bras. Haut et bas du corps travaillent. «Une sorte de gymnastique en plein air», résume un expert.

Plus sportive, voire combative, la marche aquatique côtière peut, elle, prendre des allures d'entraînement militaire. Equipé(e) d'une combinaison et de chaussons, on s'immerge dans l'eau jusqu'à la taille pour parcourir 3 à 4 kilomètres. L'activité se pratique été comme hiver, sur tout le littoral français (à lire sur Libération.fr «Les warriors de la mer du Nord»). Enfin, la marche d'endurance est une nouvelle forme de randonnée qui attire un public plus jeune. A priori basique (il s'agit de marcher vite, à 6 km/h environ contre 4 km/h habituellement), on parcourt de plus longues distances : de 30 à 50 km par jour, jusqu'à 150 km pour un week-end. Ici pas de pique-nique, mais plutôt des pauses ravitaillement avec des produits énergisants.

On notera pour finir les succès des marches citadines, des randonnées en vélo, en raquettes ou de la marche naturiste (2)…

Pratique conviviale

Mais pourquoi marche-t-on ? La dimension santé et bien-être, omniprésente, pousse évidemment les Français à mettre un pied devant l'autre. Le cadre naturel et la nature justifient aussi le goût prononcé pour la randonnée. «La marche est une activité conviviale et socialisante. On a le temps d'échanger», ajoute le directeur de la FFRP qui regroupe 3 430 clubs en France, organisateurs de sorties collectives. La marche rapproche. Et plus si affinité ? Le profil des participants aux voyages d'aventure, en France et à l'étranger, semble le confirmer. «35% des clients de nos circuits en groupe s'inscrivent seuls», précise Lionel Habasque, PDG de Terres d'Aventure et directeur général délégué du Groupe Voyageurs du Monde. La dimension fraternelle de la randonnée a d'ailleurs incité le tour-opérateur Huwans Clubaventure à angler ses voyages sur la rencontre. Ses itinéraires misent sur l'échange avec les habitants des sites parcourus, qu'ils soient artisans, artistes ou membres d'associations.

Ici ou ailleurs

Avec 130 000 kilomètres de sentiers balisés ou homologués par la FFRP, la France et ses territoires outre-mer constituent une destination de premier choix pour les marcheurs. Le chemin de Saint-Jacques de Compostelle, avec un départ depuis le Puy-en-Velay, est le GR (sentier de Grande Randonnée) le plus populaire et le plus fréquenté. Autres incontournables, le Stevenson, le GR 20 en Corse, le tour de la Réunion et, bien sûr, le tour du Mont-Blanc.

«La popularité des chemins de Saint Jacques incite à la redécouverte de sentiers de pèlerinage», souligne Xavier de Rohan Chabot, directeur général de Huwans Clubaventure. «Les marcheurs ne viennent pas forcément avec un but religieux. Ils apprécient de se replonger dans l'histoire et d'emprunter un parcours qui a du sens». Fort de ce constat, le voyagiste vient de créer onze nouveaux itinéraires couvrant l'intégralité du tronçon italien de la Via Francigena, entre le Val d'Aoste et Rome. Un sentier initié en 990 par l'archevêque de Canterbury lorsqu'il rallia la capitale italienne pour rencontrer le pape…

L'évolution constante de la demande mais aussi les aléas de la géopolitique poussent les tours- opérateurs d'aventure à proposer de nouveaux parcours. «L'assassinat d'Hervé Gourdel en Algérie en septembre 2014 et, plus récemment, les attentats de janvier en France ont provoqué une forte désaffection des clients vers les pays du Moyen et Proche-Orient : Maroc, Oman, Jordanie. Par assimilation, et sans justification aucune sur le terrain, les pays à majorité musulmane sont délaissés. Même l'Indonésie est en baisse…», déplore Lionel Habasque du Groupe Voyageurs du Monde. Des «destinations refuge» avaient déjà émergé ces dernières années, après la fermeture des pays du Sahel. Le Cap Vert et les Canaries continuent leur percée (2). Cuba redevient à la mode…

Randos connectées

Mais revenons à nos marcheurs français. Entre le 19 et le 22 mars 2015, ils ont certainement arpenté les allées du Salon des nouvelles randonnées à Paris (3), à l'affût de nouvelles pistes ou d'outils numériques facilitant leur aventure au grand air. Et cela bouge de ce côté-là. Smartphones tout terrain, applications mobiles dédiées, montres GPS connectées pour connaître le profil de son itinéraire (distances, dénivelés…) et le partager sur les réseaux…

La Fédération française de randonnée pédestre l'a compris : c'est grâce aux nouvelles technologies qu'elle va élargir et rajeunir son public. Avec l'aide de 7 000 à 8 000 bénévoles, elle s'applique aujourd'hui à numériser tous ses itinéraires. D'ici à la fin 2015, elle devrait éditer une application mobile gratuite permettant d'identifier tous les parcours de randonnées possibles à proximité d'un lieu dit. Une fois l'itinéraire sélectionné, une autre appli, payante elle, donnera accès à une cartographie, avec positionnement GPS et informations touristiques. Une manière d'enrichir la randonnée et de la sécuriser. En attendant les voyages immobiles à la Total Recall, où, bardés d'électrodes et de câbles, on s'échappera dans des mondes virtuels peuplés d'hologrammes ?

(1) Etude SportLabgroup réalisée pour la FFRP en 2014.

(2) Infos et reportages dans notre dossier Rando sur Libération.fr

(3) Du 19 au 22 mars 2015 à Paris, porte de Versailles. www.randonnee-nature.com