Comme toutes les montagnes, les Pyrénées ont longtemps été ignorées par les voyageurs. «Les sommets, les orages, la population effrayaient. C'était le domaine des indigènes», rappelle Jean-François Soulet, professeur émérite d'histoire contemporaine à l'Université Toulouse-Le Mirail. Certes, à l'époque romaine, on venait faire ses ablutions dans les thermes de Luchon ou de Bagnères-de-Bigorre, mais il s'agissait surtout de se soigner et non de se faire plaisir.
Le regard change à la fin du XVIIIe siècle, avec Ramond de Carbonnières. En 1789, dans ses Observations faites dans les Pyrénées, ce scientifique livre une vision à la fois savante et émouvante du massif. C'est le pionnier du pyrénéisme, une approche esthétique de la montagne, souvent opposée à l'alpinisme, essentiellement sportif.
Au XIXe siècle, la destination devient à la mode, prisée par une élite parisienne, et parfois étrangère, ainsi que par les écrivains romantiques. Lamartine, Hugo, de Vigny, viennent s'enivrer de nature dans les grandioses paysages pyrénéens. Pau, très fréquenté par la bourgeoisie anglaise, et Biarritz tirent leur épingle du jeu. Un tourisme huppé se développe autour des villes thermales, des casinos, des grands hôtels et des réceptions mondaines. Il cohabite avec un mode de villégiature plus aventureux. «Selon les guides de voyage de l'époque, pour réussir son séjour, il faut rencontrer un contrebandier, un bandit, un cagot (un exclu de la société souffrant de déformation physique)» précise en souriant Jean-François Soulet.
En 1858, une certaine Bernadette Soubirous voit des apparitions dans une grotte des Hautes-Pyrénées. C'est le début du «fait de Lourdes», un extraordinaire phénomène de pèlerinage, encouragé par l'impératrice Eugénie et soutenu par l'arrivée du chemin de fer en 1866. Achille Fould, ministre d'Etat de Napoléon III, insiste pour que le train arrive jusqu'à Lourdes. C'est lui qui initie l'empereur et l'impératrice Eugénie aux Pyrénées. «Depuis une vingtaine d'années, le tourisme religieux et la manne thermale, stimulée par les remboursements de la sécurité sociale, s'essoufflent. Le tourisme reste toutefois la principale industrie de l'économie pyrénéenne», poursuit Jean-François Soulet.
Les sommets accidentés, les lacs d’altitude, les routes en lacets ou les piémonts piqués d’architecture médiévale accueillent aujourd’hui les amateurs d’un tourisme de nature empreint d’histoire. Certaines stations thermales font aussi peau neuve pour surfer sur la vague du bien-être.
«Ascensionner, ressentir, écrire». Le premier triptyque de la définition du pyrénéisme est toujours d'actualité.