La circulation des marchandises et des hommes à travers les Alpes repose sur deux grandes trames, dont l’une est liée à la topographie. S’allongeant sur plus de 1 000 kilomètres, la chaîne alpine est large de 200 kilomètres à l’est du lac de Côme, mais de 120 kilomètres à peine entre le lac Léman et Ivrea (au débouché du Val d’Aoste), cette partie étant par ailleurs la plus haute et la plus escarpée. Le relief n’a pourtant jamais empêché les passages. Tout au plus les conditionne-t-il. Le climat, la neige, l’instabilité des versants ou la pente, autant d’éléments qui influencent la fluidité de la circulation et amplifient la distance géométrique entre les pays alpins. Franchir les Alpes est plus coûteux, et demande davantage d’énergie et d’efforts.
Plus complexe est l’aspect humain qui suit l’évolution des sociétés. Pour les hommes, l’espace géographique remplit au moins trois fonctions principales : il produit (à travers l’agriculture et l’élevage), il sert de support aux activités (surtout au transport) et il est un réservoir de matières premières (bois, minerais, animaux à chasser ou domestiquer, plantes à cueillir ou à semer). L’importance réciproque de ces trois fonctions, présentes simultanément, varie au cours de l’histoire et les systèmes de transports s’inscrivent dans leurs relations. Principalement soumis aux exigences de la production, en tout cas jusqu’au XVIIIe siècle, les transports imposent peu à peu leur logique aux populations alpines en privilégiant la fonction de support.
L’observation d’une carte des voies de circulation alpines permet de distinguer assez clairement deux catégories : le transport de franchissement et celui de desserte (locale ou régionale). Si l’on disposait d’une machine à remonter le temps, on observerait une sorte d’alternance entre les deux. La fonction de franchissement se manifeste pendant les périodes de dynamisme économique ou politique du continent européen, comme l’empire romain, le bas Moyen Âge, la période napoléonienne ou l’époque actuelle. Et inversement pour les périodes de desserte. L’histoire montre donc que l’intérêt de franchir les montagnes découle surtout d’un dynamisme extérieur. L’Italie en est un bon exemple : phare de la culture européenne pendant plusieurs siècles, la péninsule a souvent constitué un pôle d’attraction et de diffusion, stimulant les passages par la montagne, malaisés mais exempts des dangers de la navigation en Méditerranée.
Ruggero CRIVELLI est maître d'enseignement et de recherche à la faculté des sciences économiques et sociales de Genève, il travaille sur la géographie humaine des Alpes. Il est l'auteur de nombreux articles portant sur l'arc alpin.
Lire la suite de l'article dans le numéro 29 de la revue trimestrielle L'Alpe, publiée par les éditions Glénat et le Musée dauphinois (100 pages. 18 euros, en vente en librairies, par abonnement et sur la boutique en ligne).
Un numéro dont le sommaire complet peut être consulté sur le site Internet de la revue:
http://www.lalpe.com/lalpe-29-nouvelles-traversees-ferroviaires
Tous les numéros de L'Alpe à retrouver sur le site de la revue