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Libération
PORTRAIT

L'ultime rencontre

Une saison à la montagnedossier
Edmond Baudoin a passé une partie de son enfance dans la vallée de la Roya (Alpes-Maritimes). L’été dernier, le dessinateur y a réalisé une série de portraits et de carnets de croquis, reportage vivant sur la situation des migrants...
Portrait de Lou Nodet en vis-à-vis de l’un des poèmes de la jeune fille. (Edmond Baudoin)
par Mariette NODET
publié le 16 mai 2018 à 10h15

Au même moment, au même endroit, Mariette Nodet achevait, avec sa petite fille Lou, une traversée des Alpes à pied du nord au sud. Cette croisée d’itinéraires l’a touchée. Au cœur. Portrait d’un colporteur d’humanités…

Je rencontre Edmond Baudoin comme un cadeau au bout de notre traversée de l'arc alpin depuis le Léman jusqu'à la Méditerranée, avec ma fille. Une marche que nous avions voulue symbolique, en direction des réfugiés arrivant d'Italie par la vallée de la Roya. Je ne sais alors rien de l'auteur de bande dessinée ni même de l'homme. Je ne sais pas qu'il travaille sur humains, un ouvrage qui vient de paraître. Edmond commence tout juste à remplir la page blanche que nous sommes. Avec ses paroles et ses pinceaux, il nous fait vivre toutes ces rencontres qui nous ont habitées durant un mois de marche. Comme il le fait à travers ses bandes dessinées : avec une justesse incroyable.

Edmond est un petit bonhomme sec et pétillant qui semble se consumer d'amour. Amour pour la vie, amour pour les hommes, amour pour la terre, amour qui transpire de ses bandes dessinées depuis ses premières publications dans les années 1980, lorsque la passion de l'enfant pour le dessin se transformait en aventure professionnelle. Aujourd'hui encore, je sens qu'Edmond me parle comme il crée. Tel un enfant débordé par une joie profonde: «Le bonheur de dessiner et celui d'écrire sont très proches. Chercher des mots, composer une phrase et chercher le bon trait, cela relève de la même difficulté, mêlée au même plaisir de chercher.» Avec toujours l'exigence d'un accord entre sa pensée et la façon dont celle-ci est représentée sur le papier. Edmond en devient timide, face à la vie ou à la page blanche, parce qu'il sait aussi que le processus de création se fait dans les deux sens : il inscrit sur la page de l'autre autant qu'il est inscrit par lui.

Les «autres» d'Edmond, nous les découvrons à travers ses livres. Aussi loin qu'il a écrit et dessiné. Tout dans son œuvre tourne autour de la rencontre. Depuis le village et les gens qui l'ont fait, dans le sud de la France (lire Couma Aco ou Piero) jusqu'à l'ouverture, ces dernières années, vers le Mexique (Viva la Vida), la Colombie (Le goût de la terre), Clamecy (Gens de Clamecy) ou le retour vers sa terre, la Roya (Humains). Toujours pour rencontrer les gens. Les mêmes gens. Ceux qui n'ont pas la parole. Des portraits d'enfants ou de gens simples, terriblement vivants à travers ses pages…

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dans le numéro 80 (Utile, forcée, joyeuse; La marche), daté printemps 2018, de la revue trimestrielle

L’Alpe

, publiée par les éditions Glénat et le Musée dauphinois (100 pages, 18 euros, en vente en kiosques, en librairies, par abonnement ainsi que sur la boutique en ligne de la revue). Un numéro à feuilleter

:

Mariette Nodet, historienne de formation, est actuellement enseignante en école primaire. Aimant marier plume et vagabondage, elle collabore à des revues de montagne et de voyage.

Le dessinateur Edmond Baudoin,

dans son récit graphique

humains, la roya est un fleuve

, a croqué le portrait de Lou Nodet en vis-à-vis de l’un des poèmes de la jeune fille.