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Documentaire

Free Solo: la verticale du fou

Une saison à la montagnedossier
Le film racontant l'ascension du mythique El Capitan par l'alpiniste Alex Honnold a décroché l'Oscar du meilleur documentaire dans la nuit de dimanche à lundi.
(Free Solo / DR)
publié le 15 février 2019 à 10h46
(mis à jour le 25 février 2019 à 12h04)

Alex Honnold est un type singulier. Cet alpiniste, né à Sacramento voilà 33 ans est doté d'un cerveau pas comme les autres. Il n'a pas la même peur, ni la même manière d'évaluer le risque que le commun des mortels. Quand il est en danger, il se met en alerte un peu différemment. Sur les sommets de El Capitan, dans le Yosémite américain, Alex décide en juin 2017 un truc jamais réalisé auparavant : escalader en libre – sans cordes, à mains nues- cette paroi qui fait trembler bon nombre de grimpeurs. Cette histoire est relatée dans un film Free Solo, qui vient d'être nommé pour les Oscars dans la catégorie Meilleur documentaire.

Alex n’est pas seul, il est accompagné d’une équipe de grimpeurs comme lui, caméra à l’épaule: au total un dispositif d’une vingtaine de focales décortique ses moindres faits et gestes. Et le résultat est époustouflant. Prises après prises – de vue, mais aussi d’escalade- le jeune homme nous emmène dans une aventure où nous nous accrochons, littéralement, à notre voisin, de peur qu’il ne chute dans son ascension.

Alex Honnold est un petit prodige. Il se sert parfois d’une brosse à dents pour gratter la pierre autour de sa prise, effectue un saut dans le vide pour passer une difficulté, et tout cela, sans avoir l’air d’y toucher. Il est accompagné dans sa quête par un autre cador, Tommy Caldwell, qui lui prodigue moult conseils avant qu’il ne grimpe cette montagne.

Honnold suivra au moins celui-ci : demander à sa compagne de prendre ses cliques et ses claques pour ne pas le «déconcentrer», comprendre: détourner, émotionnellement parlant, son attention entièrement accaparée par son objectif de grimpe, dans sa montée.

Accidents

Le jour n'est pas levé que l'alpiniste se lance dans la montagne. Avec lui, tout semble si facile, les prises, l'itinéraire, la grimpe, en général. Alex vit dans son van, fait des pompes, s'entretient, exerce ses doigts sur une barre de traction spécialement conçue à cet effet. Il ne vit que pour ça. Il n'est pas constitué comme tout le monde. Il ne dit pas qu'il ne craint pas la mort, mais juste qu'il a «une plus grande acceptation de sa propre mortalité». Ces dernières années, il a perdu plusieurs amis, dans des accidents mortels. Malgré cela, il explique ne pas être accro à l'adrénaline, juste prêt à repoussser sans cesse les limites de son sport.

Dans le milieu , on lui donne le surnom d'Alex «No big deal» («rien d'extraordinaire»), tant il a le sentiment que ce qu'il fait, n'a justement, aucun caractère de surnaturel. Dans une interview à National Geographic, il explique ainsi : « Mes amis me chambrent parce que, selon eux, je minimise la difficulté de ce que j'ai accompli. Moi, j'estime que j'ai tendance à être réaliste dans mes évaluations car certaines choses me sont toujours venues facilement. Je tiens un journal de tout ce que j'ai grimpé depuis 2005. Concernant le solo intégral du Half Dome, j'ai inscrit un smiley déçu et annoté ce que j'aurais pu mieux faire, puis je l'ai souligné. Il s'avère que ça a été une de mes meilleures réussites en escalade. Mais à ce moment-là, je me disais juste que ce n'était pas parfait, que j'aurais pu mieux faire». Voilà, il est comme ça Alex.

Alex ne pense pas qu'à grimper. Il a lancé une fondation pour soutenir des projets d'énergie renouvelable, pour «améliorer les standards de vie d'une personne tout en aidant l'environnement». Une partie intéressante du documentaire est ce moment où il renonce à grimper, après avoir parcouru quelques mètres et constaté qu'il ne le sentait pas. «Si j'ai peur, explique Alex, soit je passe plus de temps à me préparer soit je ne le fais pas. C'est dans la retenue que réside la plus grande partie de la bravoure», conclut-il.

Free solo

sera diffusé sur la chaîne National Geographic le 24 mars prochain.