L'Xtreme de Verbier (Suisse) a envoyé du lourd. La «finale» de la saison de freeride s'est déroulée sans anicroches, le week-end dernier, sous un soleil de plomb, avec une neige un peu délicate et changeante. «C'est croûté ou glacé. Là où il y a des vagues c'est bon. Là où ça a l'air bien, c'est croûté», a commenté un rider, lors d'une reconnaissance sur le fameux et très escarpé «Bec des Rosses». L'événement attire toujours autant d'inconditionnels et de journalistes alléchés par le spectacle et les performances des skieurs, avec une mention spéciale à «Tout le Sport», sur France TV, qui avait carrément anticipé la performance de Victor de Le Rue, en le suivant à la trace avant la session.
Du sport mais pas que… Ainsi ces trois spectateurs venus en combinaison bleue très années 70 s'interrogeant sur les nuits festives des riders. On l'imagine avec leur look stylé-bronzé, genre «j'étais en Californie le week-end dernier»…
Malheureusement, descendre le Bec des Rosses à fond la caisse, exécuter au passage quelques figures du répertoire du saut et arriver en bas entier ne semble pas un programme que notre trio de jaloux, pourra, un jour, réaliser. Au moins pourront-ils se consoler en regardant les prestations des champions. Wadeck Gorak (France) et Elisabeth Gerritzen (Suisse) ont remporté l'épreuve dans la catégorie ski, tandis que Jonhattan Penfeld (USA) et Marion Haerty (France) triomphaient en snowboard. Marion Haerty, justement, confiait à Libération être «très heureuse» à l'issue de la compétition. Elle reconnaît avoir appris à «gérer des situations difficiles», tirer des enseignements de ses «erreurs» «savoir désormais prendre les bonnes décisions» au moment opportun. Une manière de saluer le travail accompli depuis l'été dernier pour se «lâcher».
Se débarrasser du stress
Cette année, la championne Haerty a donc enchaîné de longs moments dehors, du parapente à l'escalade, en passant par la randonnée ou la nage, dans les lacs de montagne, pour faire «selon son plaisir». Et pour se débarrasser du stress, Marion Haerty pratique le yoga, n'hésitant pas à se faire «coacher» les veilles de compétition. «J'ai besoin de quelqu'un pour me réconforter, me remettre sur le droit chemin» dit la snowboardeuse. Qui appréhende ses runs, comme «tout un engrenage, avec des choses que tu ne peux pas toujours contrôler». Elle pense que, pour elle, les choses vont aller en s'améliorant dans les années à venir. A condition de dépenser son énergie à bon escient, par exemple en ne s'énervant pas au volant, et en pensant avant tout à «être bien dans sa peau». Elle concède avoir «changé de rythme de vie». Avant cela, elle «divaguait un peu». Elle s'est donc posée, comme on dit «poser un saut», a pris un appartement, s'est installée dans la forêt et la montagne, et tente de se fixer un objectif : «j'essaie de me dire que cette histoire est entre moi et la montagne. Juste moi et mon snowboard» conclut Marion Haerty. «Le reste, je n'en ai rien à faire».
Des figures identiques
Pour prendre un peu de recul, nous avons demandé à l'américain Steve Klassen, cinq fois vainqueur à Verbier – cette année, il a fini tout de même cinquième de l'épreuve, malgré ses 54 ans- son avis sur la question. «Les sauts sont plus gros, cela va plus vite, c'est plus propre. Avant, il y avait davantage d'arrêts, c'est plus fluide», explique Klassen. Avant de nuancer : «mais ce sont les mêmes rochers et les mêmes sauts, même si le niveau a grimpé, et que les snowboarders fument les mêmes pétards. Bon, ils se rendent peut-être davantage au gymnase qu'avant, mais, globalement, on a des figures identiques»…
Les figures, parlons-en. Pour les noter, quatre juges œuvrent. L'un d'eux s'appelle Bertie, et il est très sérieux. «Notre job n'est pas de faire changer aux riders de style», dit-il. Selon lui, la ligne choisie est primordiale. Ensuite vient «la fluidité». «Nous regardons les hésitations des riders, s'ils ralentissent, s'arrêtent; Nous comparons leurs vitesses aux conditions de neige», commente le juge. Vient ensuite le contrôle, qu'on ne doit jamais perdre. Enfin, la technique et le style. Combien de sauts accomplis, comment les figures sont réalisées, de quelle manière les skieurs atterrissent… Les riders connaissent ceux qui les jugent et savent comment, et où, ils vont les récompenser et, le cas échéant, les sanctionner. Le boulot est éminemment subjectif. «On ne revient pas sur un score qui a été donné. On explique comment le score a été construit. Les riders acceptent leur sort», conclut Bertie. En tout cas, ils ne le contestent jamais.
Le Free Ride World Tour se termine bien pour Victor de Le Rue, qui se place en tête des snowboarders. Markus Eder et Adriana Tricomi gagnent la compétition 2019 en ski. «Je suis ravi, je ne m'y attendais pas du tout pour ma première année», a commenté De le Rue au micro du FWT. Avant d'ajouter : «M'adapter à la compétition, c'était compliqué et bizarre. C'est un autre processus que tourner des vidéos.» Wadeck Gorak, lui, paraissait toujours ne pas se remettre de sa prestation plus que brillante sur les montagnes suisses. Le Français a pris la barre Hollywood, et signé, notamment, un monstrueux back flip (équivalent d'un salto arrière, ndlr) qui lui a permis de prendre la tête de la compétition avec 92 points. Ce devait être écrit, personne ne l'attraperait plus pour cet Xtrem 2019. «Je ne pensais pas que c'était possible, a réagi le skieur. C'est une journée magnifique. Tout le monde a fait des runs énormes. Mon backflip, sur le moment, je n'avais pas le choix. J'avais de la vitesse, j'y suis allé et me suis dit : on verra bien après. C'est fou». Fou? C'est Verbier.
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