Les Autrichiens ont le mal des montagnes. Et ils leur font parfois du mal. L’histoire se passe cet été au glacier Pitztal, plus haut glacier du Tyrol, à 3400 mètres d’altitude. Les pelleteuses ont rugi et forcé sur la roche, bouchant les crevasses, creusant dans la glace, transformant la montagne en un immense chantier. Tout cela pour créer de nouvelles pistes, satisfaire le skieur, qui comme chacun sait, en demande toujours plus…
Alertés, les gens du World Wildlife Fund (WWF) réclament l'arrêt de cet immense projet, qui ne prévoit rien moins que de niveler soixante-quatre hectares. Ce qui équivaut à peu près à 90 terrains de football. A la fin du mois d'août, les mêmes prennent moult clichés de ces aménagements, disons plutôt, pour élever le niveau, de ces «travaux de terrassement de haut vol». D'après Sylvain Coutterand, glaciologue et géomorphologue, cité par nos confrères de Montagne Magazine «Ce qui se passe est unique, je n'avais jamais vu cela». Pourtant, notre homme en connaît un rayon. Il est l'auteur de L'Atlas des glaciers disparus. «C'est à l'image de la destruction de la forêt amazonienne», tonne-t-il «Nous allons droit dans le mur, et allons le payer». Selon le scientifique, la ressource en eau des vallées devient plus rare avec la diminution de la masse d'un glacier : «cela aura un impact sur l'étiage (débit minimal d'un cours d'eau, ndlr) et sur les stocks d'eau disponibles», explique Sylvain Coutterand. «En cas de période de fortes chaleurs, il n'y aura plus de ressources suffisantes».
Le glacier joue aussi un rôle de régulateur thermique et climatique comme surface réfléchissant la lumière du soleil : «détruire la glace comme les pelleteuses le font, cela forme une rétroaction négative : le glacier réfléchit moins la lumière du soleil. La température sur et autour du glacier augmente, et entraîne à son tour la fonte de la glace» poursuit le géomorphologue.
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Ça va mal en Autriche. Ce n’est pas davantage la fête en Islande. Le 18 août dernier, le pays dévoilait une plaque à la mémoire de l’Okjökull, premier glacier de l’île victime du réchauffement climatique. Un hommage qui veut sensibiliser la population à ce phénomène de plus en plus fréquent.
En Suisse, on est loin d'être en reste. Une longue «marche funèbre» a eu lieu le 22 septembre, en hommage à la disparition d'un des glaciers alpins les plus étudiés, le Pizol. Il figurera comme l'une des nombreuses «victimes» du réchauffement climatique. 250 personnes, certaines étaient vêtues de noir, ont rejoint le pied de l'ancien glacier situé près du Liechtenstein et de l'Autriche, aux alentours de 2.700 mètres d'altitude. «Nous sommes là pour dire au revoir au Pizol», a déclaré à la foule Matthias Huss, glaciologue à l'Ecole polytechnique fédérale de Zurich, tandis qu'Eric Petrini, l'aumônier paroissial de Mels, la commune où se situait le glacier, en a appelé «à l'aide de Dieu pour relever le défi énorme du changement climatique». Avec l'Autriche et son «Pitztal», le sort des glaciers se trouve encore entre les mains des hommes. Avec la Suisse et son «Pizol», il est désormais entre les mains de Dieu… Quant au Diable, on dirait bien qu'il n'est pas loin.