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Billet

Ce que précise l'absence...

Une saison à la montagnedossier
Chroniqueur, alpiniste et écrivain, Cédric Sapin-Defour croque régulièrement le microcosme de la montagne pour le site Alpine Mag. Il réagit au confinement.
(DR / Alpine Mag)
publié le 31 mars 2020 à 11h31

C’est un chagrin d’opérette…

A observer les douleurs des autres, est-il utile de le préciser ? Oui. Il n’est jamais vain de resituer nos petites peines à la mesure et à l’épreuve des souffrances du monde.

C’est un chagrin d’opérette donc. Il n’empêche. La nature nous manque. L’expérience de la nature, de nous y engouffrer pleinement, librement, nous manque. Et ce besoin n’est pas aussi négligeable que nous souhaiterions, par décence, qu’il soit. Alors c’est un chagrin qui mérite que l’on s’y attarde. Et s’il est une vertu de cette parenthèse toute faite d’attente, c’est de mettre des mots sur une sorte d’un peu de vide.

Il y a le décor évidemment. Cela suffit à fabriquer la perte. La beauté vertigineuse des grands espaces et qu’aucun art issu de l’Homme ne saurait atteindre. Cette beauté survivra à notre absence de quelques jours, oh que oui. Elle s’embellira encore, elle respirera ; des dauphins à Venise et qui sait, là, des chamois jouent-ils dans le Couloir des Italiens ? Le silence aussi nous manque bien que la cité s’y soit mise. Rêvons qu’elle y prenne goût.

Il y a la camaraderie. Bien que nous aimions faire nos sauvages, nous allons là-haut, là-bas, rarement seul. En ces lieux trop grands pour nous, le collectif apaise ; il additionne les audaces, dilue les craintes et fixe la mémoire. Ce bonheur de meute existe ailleurs, c’est certain, mais pour nous, c’est au grand air qu’il jaillit. Nous n’y avons pour l’instant plus droit, en montagne comme ailleurs, solitudes prescrites, légitimes et solidaires et qui auront, autre projet, le mérite de nous rappeler à notre besoin des autres.

Il y a, aussi, dans ce dehors, le ressourcement que nous offre le goût d’y passer du temps. C’est en ne les foulant plus, deux semaines à peine, déjà, que nous mesurons, nous les chanceux, comme nos arêtes, nos vagues, nos horizons sont des objets de projection émotionnelle et symbolique. Et qui nous comblent. Faudra-t-il, si dure la suspension, trouver d’autres supports ?

Mais il y a autre chose. De plus fondamental encore…

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