Il y a quinze ans, Bellion se destinait à une école de commerce quand il a décidé de tenter un tour du monde à la voile. Un de ses camarades avait deux cousins infirmes moteur cérébraux et un soir ils leur racontèrent ce qu’ils avaient entrepris. Las, ils n’y parvinrent pas. Alors, ils réunirent leurs familles, et embarquèrent les jeunes adultes, cinq par cinq.
Tout le monde était «terrifié», Eric a persévéré: les embarquer sur l'île de Lifou (Nouvelle-Calédonie), vivre au milieu d'une tribu canaque, se rendre à une fête dans une boîte de nuit huppée du Cap, les faire plonger alors même que certains sont incapables de tenir un détendeur dans la bouche… Prosaïque, Bellion explique : «ce n'est pas la mobilité le principal problème, le principal problème, ce sont les intestins…» Ces jeunes gens étaient dans un contexte qu'ils n'avaient jamais connu, l'aventure a eu un écho formidable grâce aux «NEM», les «News en Mer», et ils ont enquillé sept escales autour du monde, embarquant plus de 45 personnes au total.
«Le bateau était pourri», raconte Bellion. Isabelle Autissier, qu'ils croisent à l'époque, leur balance en rigolant: «j'aurais jamais traversé la rade de Brest avec vous». A L'époque, ses parents l'ont regardé d'un drôle d'air, inquiets pour lui. Il abandonne son CDI de commercial, son patron lui lance: «tu te coupes un bras». Bellion commente :«les gens ont peur de tout ce qui est nouveau, pas fléché, ils projettent leur peur sur toi». Et il conclut : «tu n'es pas seul, tu es moins que seul! Et comme ce que tu fais n'est pas dans les manuels, c'est toujours plus ou moins foireux…».
Après la transat en solitaire qui démarre début novembre, le marin partira de Guadeloupe pour une navigation autour du monde sur plusieurs années à bord de sa goélette avec Marie Lattanzio. Leur objectif est de mobiliser à chaque escale des acteurs locaux d'univers différents (artistes, cuisiniers…) autour des cinq principes clefs de son association Comme un seul homme: «différence, confiance, innover par la contrainte, viser la performance durable, exulter en équipe». Rien de moins! Un groupe embarquera sur le voilier qui peut accueillir jusqu'à 12 personnes. Pendant le voyage, il planchera sur un événement à présenter lors de l'escale suivante dans un nouveau pays.
L'autre objectif avoué d'Eric Bellion est de sensibiliser 1 million de personnes à la différence. «Avec le Vendée Globe, nous avons atteint 70.000 personnes. Un film va bientôt sortir au cinéma avec les images que j'ai tourné pendant la course. Avec cette nouvelle aventure, on passe la seconde!» explique Eric Bellion. Des séries documentaires seront réalisées tout au long du voyage. La préparation mobilise une équipe de cinq personnes (le skipper et son équipière, mais également 1 responsable technique, 1 stagiaire et 1 responsable communication).
Avec sa goélette au style classique et au rouf en bois verni, Eric Bellion espère toucher plus de gens. «La beauté, c'est pour tous. Si les fleurs sont belles, c'est pour attirer les abeilles!»
La durée complète de l'opération n'est pas encore fixée. «On a un programme défini pour les trois premières années», indique Eric Bellion. «Après la Guadeloupe (lieu d'arrivée de la Route du Rhum) et les Caraïbes, on va remonter à New York, puis au Canada et au Groenland. On veut ensuite prendre le passage du Nord-Ouest. Puis le Pacifique…»
«La diversité, ce n'est pas une richesse, mais des emmerdes», aime à répéter le skipper. Sur ce point, on ne le croit pas une seconde.