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Libération
Route du rhum 2018

«La peur est absurde»

Une transat en solidairedossier
Deux ans après le Vendée Globe, Eric Bellion se lance de nouveau en solitaire pour la traversée de l'Atlantique. La première étape de son tour du monde au long cours.
La nouvelle goélette d’Eric Bellion / Photo Commeunseulhomme via Instagram
publié le 29 octobre 2018 à 9h07

La goélette fait 18 mètres, pèse 42 tonnes, toute de bois et d'acier. On aperçoit de loin ses deux mâts et l'on se rend compte qu'elle n'est pas prévue pour être barrée par un seul homme… Eric Bellion, 42 printemps, ne l'a jamais skippée par un gros temps. Il dit l'avoir choisi avec Marie – sa compagne- parce qu'elle a «de la gueule». Il la trouve «poétique», mais aussi dotée d'un certain «caractère». Le choix de cette embarcation est mesuré, car Eric et Marie désirent que les gens aient envie de venir «naviguer sur ce bateau-là». «C'est la fleur qui attire l'abeille», résume Eric.

Ce bateau-là, il ne le connaît que très peu. Il a été construit en 2006 par l'architecte hollandais Olivier Van Meer. Il a peu navigué. Le manque d'expérience apparaît comme un défi supplémentaire qu'il se rajouterait. Il dit :«cela fait partie du délire de le découvrir en route. Ma came, c'est d'aller vers les choses où il n'y a pas de confort, c'est là où on se découvre soi-même». Et il énonce calmement sa philosophie : «ce qui m'intéresse c'est l'harmonie entre la mer et mon bateau, si on l'a, on va tout exploser». Il l'assure, l'important n'est pas le résultat, et s'il y a un objectif à atteindre, «c'est bien celui d'arriver avant la fermeture de la ligne».

Récit

«COMME UN SEUL HOMME», il a gardé le nom de son précédent bateau, vogue doucement, et fait des ronds dans l'eau, au large de Concarneau. Le vent est faible, la mer peu agitée. On sent à peine les potentialités de la goélette. Elle avance, on s'ennuie presque. «Cette goélette est lourde. A bord, en comparaison des folles glissades du Vendée Globe, j'ai un peu le sentiment de naviguer à l'arrêt… et je m'en félicite ! Tandis que sur l'Imoca j'étais toujours dans l'action, je vais ici prendre le temps de la réflexion. Etre davantage attentif aux découvertes et aux rencontres que je vais faire. Prendre conscience de mes explorations et en faire le récit», assurait il y a peu le skipper (1).

Bellion l'assure – et on le croit à demi- qu'il n'est pas un compétiteur. «Quand tu es avide d'un résultat, ce n'est pas là où tu t'exprimes le mieux, ou alors au dépens de toi-même». La course assure-t-il, il faut avoir envie de la vivre dans ce stress, c'est un moyen de communiquer, toucher à ses rêves de gosse…

Gérer

Le classement ne l'intéresse pas, même si le résultat sur le dernier «Vendée» l'a flatté (neuvième). Ce qui compte pour lui, c'est de «vivre le moment magique où tu es sur ton bateau, en accord avec la mer, c'est un sentiment de plénitude». Bellion raconte être arrivé au bateau «par la lecture, une approche un peu romantique». Et puis il parle de l'équilibre. «C'est intéressant d'apprendre à gérer la peur, la peur est absurde, on a tous peur d'avoir peur… On découvre lors d'un événement, qu'on a les ressources».

Il explique qu'au départ, il est au milieu de 123 bateaux, «on a peur d'en toucher un, tu n'es pas amariné, tu vomis…» «Tout cela, c'est ce qu'on cherche, c'est pour ça que j'aime aller en mer, 80% du temps tu te demandes ce que tu fais là, le reste, tu ne vis que du bonheur».