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Libération

L'échappée belle

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par ARMANET Max
publié le 9 janvier 2008 à 7h00

Sans l'Amérique, le road-movie n'existerait pas. Entre chevauchée mécanique et voyage initiatique, il revisite la mythologie de la Terre promise, fondatrice des Etats-Unis. L'espoir pour chaque émigrant du Nouveau Monde de se réaliser enfin. Chemin d'exil et de liberté, le road-movie se déploie dans ces espaces sans limites, où les lignes de fuite semblent témoigner que rien n'est impossible. Il marche dans les traces du western là où il s'était arrêté : mêmes chevauchées sauvages, mêmes randonnées mortelles sur fond de bluette, même tentation de la violence qui croise la religion de l'ordre.

Le temps qui reste, et non la distance franchie, en est le ressort intime. Les miles s'égrènent sans fin à la manière de fuseaux horaires que l'on remonterait avec la course du soleil, d'est en ouest. La route est un ailleurs, une promesse avec vue sur un univers meilleur. Le rêve de l'eldorado prend les couleurs d'une Cadillac, et la Santa Fe Trail celle de la route 66. La glaise mute asphalte. Le crédit est mort pendu, ici tout se paye cash. Go West. La route est la ligne blanche de l'éternelle «nouvelle frontière». Elle franchit le continent, d'un océan à l'autre. Le road-movie l'emprunte en bifurquant sans cesse sur des chemins de traverse.

Oakies, cow-boys, hobos, freaks, ces migrants marginaux hantent l'imaginaire américain. Le nomadisme rejoint l'obsession de s'inventer des racines et de reconquérir sa liberté de mouvement. Les véhicules sont des héros du casting, emblèmes de la dévotion rendue à l'écran ; des arguments esthétiques et dramatiques ; du serial truck killer chromé de Duel à la limousine flétrie de la Dernière Cavale. Accrochée au macadam, la caméra compte les coups ; la norme et la marge s'entremêlent dans des noces de métal et de sang.

En vous proposant cette première collection de dix films cultes, Libération renoue avec sa tradition : rendre accessible le visible ; sortir des sentiers battus. Signe de piste : le road-movie débarque en France en 1968. Occasion pour la communauté des lecteurs de Libé de souffler la première bougie d'un quarantième anniversaire dont nous n'avons pas fini de parler. Une échappée belle.