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Libération

Michael Cimino

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par AZOURY Philippe
publié le 10 janvier 2008 à 7h00

Il est possible qu'entre 1974 et 1979 tout le monde à Hollywood a rêvé d'être Michael Cimino. Il est à peu près certain que depuis 1979 tout le monde à Hollywood préfère encore sa propre vie à celle de Cimino. Jeune blanc-bec trentenaire ayant signé le scénario du deuxième volet de l'inspecteur Harry, Magnum Force, cet Italo-Américain natif de New York convainc la star Eastwood d'interpréter son premier script personnel et de lui laisser la réalisation. Le joli succès du Canardeur (Thunderbolt Lightfoot) lui permet d'imposer au studio en guise de deuxième film une plongée dans le Vietnam encore sulfaté : Voyage au bout de l'enfer, pour lequel, à 39 ans, Cimino reçoit l'oscar du meilleur réalisateur en 1978. Il se bat alors pour obtenir de la United Artist (la compagnie créée par Chaplin et Griffith) le contrôle total de son deuxième film, la Porte du paradis, sorti en 1980.

Ce sera les mannes de l'enfer : le film est un fiasco commercial qui entraîne la ruine du studio (racheté depuis par Tom Cruise et Paul Wagner) et qui, symboliquement, ferme pour deux décades au moins les portes de toute ambition à Hollywood. Cimino, qui avait pourtant signé un film sidérant de liberté, paiera pour tout le monde : dernier-né de la génération des baby-boomeurs, arrivé en queue de comète des Coppola, Scorsese, Spielberg... il sera le premier à connaître la chute, devant attendre cinq années avant de se retourner avec un polar nerveux au milieu de triades chinoises emmené par Mickey Rourke : l'Année du dragon, tube sulfureux de l'année 1985. Sa réinterprétation, en 1987, du Salvatore Giuliano de Francesco Rosi, sous le titre du Sicilien, essaye de rivaliser avec le style précis d'un Visconti, son maître révéré. C'est de nouveau l'échec, qui l'efface de la scène hollywoodienne. Depuis ces vingt dernières années, ce personnage excentrique, mystérieux, que l'on dit paranoïaque, brisé, taiseux (mais on dit beaucoup de choses : une rumeur folle selon laquelle Cimino aurait changé de sexe a même couru il y a cinq ou six ans !), a réalisé deux films (un remake de la Maison des otages de William Wyler ­ Desperate Hours ­ et The Sunchaser) et écrit un roman, Big Jane (Gallimard Noire). Nous, depuis, on attend.