C’était le 31 mars dernier. La loi travail était déjà depuis quelques semaines au centre des débats politiques et, pour la première fois, les manifestants répondaient massivement à l’appel des syndicats.
Tandis que la ministre du Travail s'efforçait de «clarifier les règles» et les contours de sa loi pour convaincre ses détracteurs, la droite moquait «l'immobilisme» et «les reculades» successives du gouvernement sur un projet déjà trop rogné à son goût.
La rue, elle, mobilisait avec succès. A Paris, le cortège (immortalisé ici par notre photographe Albert Facelly) réunissait entre 26 000 et 28 000 personnes selon la police. Sur l'ensemble du territoire, les chiffres variaient du simple au triple, avec un total de 390 000 manifestants pour les autorités, alors que les syndicats en revendiquaient 1,2 million. Une forte mobilisation animée d'un seul mot d'ordre : «le retrait» du texte, sans alternative.
Alors que le mouvement Nuit debout prenait ses marques sur la place de la République, les CRS jouaient – déjà – de la matraque pour calmer quelques énergumènes qui, à défaut de battre le pavé, préféraient le lancer.
Dans une magnifique démonstration de ce qu'est la méthode Coué, Myriam El Khomri assurait alors sur le plateau de LCI «ne pas souhaiter utiliser le 49.3» : «Ce que je ressens, c'est qu'il y a de plus en plus de députés qui sont convaincus par ce texte. […] Il n'y aura aucune difficulté, je pense que nous aurons une majorité sur ce texte.» Une vision pour le moins «optimiste», comme le relevait Arlette Chabot.
Une posture gouvernementale en opposition à celle de lycéens en colère. A plusieurs reprises, les 5 et 14 avril notamment, des établissements scolaires se sont ainsi trouvés bloqués. A Levallois-Perret, le chahut a carrément dérapé, les jeunes manquant de mettre le feu à leur école.
En matière de manifestation et de conflit social, Bernard Thibault sait de quoi il parle. Et c'est peu dire que l'attitude du gouvernement , dont il s'est dit «stupéfait» sur France Inter, n'est pas du goût de l'ancien secrétaire général de la CGT : «Cette ambition de réformer de fond en comble le Code du Travail en utilisant une manière aussi autoritaire, de la part de ce gouvernement, c'est la stupeur générale.»
Venons-en enfin aux événements de cette semaine. Pour la quatrième fois en deux mois, l'intersyndicale (CGT, FO, FSU, Solidaires, Unef, Fidl, UNL) appelait les opposants à la loi travail à défiler derrière un nouveau slogan : «Gagner le retrait de la loi Travail est possible.»
La mobilisation, moins forte que celle du 31 mars (entre 170 000 et 500 000 selon les sources), a été émaillée de très nombreux incidents, à Paris comme en province. A Rennes, un étudiant touché par un tir de flashball a perdu un œil ; dans la capitale, trois policiers ont été sérieusement blessés. Les débordements, unanimement condamnés par les représentants politiques, ont donné lieu à 214 interpellations sur l'ensemble de la France au total.