Bordeaux, envoyé spécial.
«Il est peu de vignobles dans le monde qui portent un nom de ville.» D'emblée, le géographe et historien Philippe Roudié souligne l'exception bordelaise. Sa proposition est aisément renversable : il est peu de villes à porter un nom de vignoble, et il n'y en a qu'une qui arbore le nom des vins les plus célèbres au monde. Quelle impression a le maire de Bordeaux quand il va à Hong-kong ou à Sydney et qu'il se rend compte que la réputation de sa ville (et de la sienne propre, donc) est d'abord celle du vin ? Ce fait en lui-même rend les relations entre ville et vin complexes.
Pendant de longs siècles, et jusqu'au XXe, les tonneaux roulaient sur les quais des Chartrons. Depuis les temps lointains de l'Aquitaine unie à la Couronne anglaise, le vin a fait la fortune de la cité. En 1308, pour le mariage du roi Edouard II, une flotte a largué ses amarres pour abreuver l'Angleterre avec, à bord, l'équivalent d'un million de bouteilles. Beaucoup plus tard, cette cité commerçante dans l'âme s'est enrichie d'autres trafics maritimes les épices ou celui, moins glorieux, des esclaves, qu'elle voudrait bien oublier , mais le vin ne lui a jamais fait défaut. C'est simplement parce qu'ils transitaient par le port que les vins des environs se sont appelés «vins de Bordeaux». Venus des îles britanniques, des Pays-Bas et d'Allemagne, les marchands de vins avaient cependant été relégués à l'extérieur du bourg protégé par le château Trompette, où ils ont formé une encl