Chaque samedi matin, je me tourne vers ces racines bretonnes qui sont les miennes. La famille Chouan de ma mère était d'origine paysanne, plus précisément du Rheu, petit village du bassin rennais. Avant même que le jour ne soit levé, qu'il pleuve, vente, gèle, que le ciel soit pur ou le brouillard dense, je prends la route de Rennes. Je quitte Cancale pour soixante-quinze kilomètres vers le sud, direction le marché des Lices, rendez-vous du devoir et du plaisir réunis. C'est là que je vais tâter, humer, examiner, sans jamais laisser ce soin à personne, les produits de la terre qui figureront sur ma table, les légumes, les fruits, les herbes, les volailles, la crémerie, et les fleurs pour les bouquets.
Plaisir double de la mémoire et de l'échange : je remets là mes pas dans ceux de l'enfance où j'accompagnais ma grand-mère avec sa «roulette panier tressé», ceux de jeune amoureux en compagnie de Jane, ma future femme alors que nous étions étudiants et que nous explorions ce marché comme un royaume de succulences et de rencontres... Je bavarde avec chacun de mes fournisseurs, qui sont devenus les maillons indispensables de ma cuisine, mes amis, mes complices.
Au marché des Lices, alors que quelques étudiants viennent ici finir une nuit de fête, c'est comme si toute la Bretagne convergeait sur cette vaste place biscornue, clairière ouverte dans le dédale des rues médiévales, pour offrir ce qu'elle a de meilleur aux chalandes et chalands. A mon arrivée, vers six heures et demie, al