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Libération

Ce qui est bien, c'est que rien n'est joli.

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par Hervé HAMON
publié le 17 novembre 2001 à 1h40

Ici, au moins, ce ne sont pas les touristes qui dérangent. A part les manchots d'Océanopolis applaudissant le public sur un échantillon de vraie banquise, rien n'attire, à vue de guide, les cars moutonniers. Des gens passent par Brest, et même en nombre, si je me fie à la multiplicité des Airbus desservant l'aéroport de Guipavas (équipé «tous temps», ça vaut mieux). Mais c'est pour le boulot. Et puis, est-ce qu'on «passe» à Brest ? Est-ce qu'on traverse un lieu qui, de toute manière, est un bout du bout ­ pas un cul-de-sac : une pointe, nuance, une porte sur le large avec en prime, ouvrant cette porte, une mer intérieure toute suave, prélude à l'autre, toute furieuse.

Ce qui est bien, à Brest, c'est que tu es débarrassé du joli, du charmant bibelot dans la vitrine. Pas de cathédrale aux flèches ajourées. Pas de vieilles demeures à colombages. Pas un mètre carré de «centre-ville historique» deux ou trois étoiles. A ce rayon-là, voyez Quimper, ils ont tout ce qu'il faut en magasin, et du haut de gamme, pur granit, Saint-Machin polychrome inclus. A Brest, où l'on ne passe, décidément, que de passage, tu déambules entre des môles de béton, la mairie a des airs d'ambassade de Pologne avant la chute du Mur, la moindre façade 1930 paraît une folie rescapée, et l'unique héritage d'avant la guerre ­ celle de Sept Ans, bien sûr, où au XVIIIe siècle triompha l'Anglais ­ est «le château», squatté, jusque sous terre, par la préfecture maritime qui veille sur le rail d'Ouessant, la chaussé