Ici, au moins, ce ne sont pas les touristes qui dérangent. A part les manchots d'Océanopolis applaudissant le public sur un échantillon de vraie banquise, rien n'attire, à vue de guide, les cars moutonniers. Des gens passent par Brest, et même en nombre, si je me fie à la multiplicité des Airbus desservant l'aéroport de Guipavas (équipé «tous temps», ça vaut mieux). Mais c'est pour le boulot. Et puis, est-ce qu'on «passe» à Brest ? Est-ce qu'on traverse un lieu qui, de toute manière, est un bout du bout pas un cul-de-sac : une pointe, nuance, une porte sur le large avec en prime, ouvrant cette porte, une mer intérieure toute suave, prélude à l'autre, toute furieuse.
Ce qui est bien, à Brest, c'est que tu es débarrassé du joli, du charmant bibelot dans la vitrine. Pas de cathédrale aux flèches ajourées. Pas de vieilles demeures à colombages. Pas un mètre carré de «centre-ville historique» deux ou trois étoiles. A ce rayon-là, voyez Quimper, ils ont tout ce qu'il faut en magasin, et du haut de gamme, pur granit, Saint-Machin polychrome inclus. A Brest, où l'on ne passe, décidément, que de passage, tu déambules entre des môles de béton, la mairie a des airs d'ambassade de Pologne avant la chute du Mur, la moindre façade 1930 paraît une folie rescapée, et l'unique héritage d'avant la guerre celle de Sept Ans, bien sûr, où au XVIIIe siècle triompha l'Anglais est «le château», squatté, jusque sous terre, par la préfecture maritime qui veille sur le rail d'Ouessant, la chaussé