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Libération

La mélangeuse de cultures

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par Laure ADLER
publié le 9 février 2007 à 5h56

A Clermont-Ferrand, Jean-Louis Trintignant donne dans un bistrot de la place de Jaude un cours de philosophie à des étudiantes qui se moquent éperdument de la dialectique chez Hegel et de la réforme de l'entendement chez Spinoza, mais qui l'écoutent sans vraiment l'entendre tant sa voix est chaude et sa présence intense.

Dehors il neige. On croit qu'il fait toujours froid à Clermont- Ferrand. Dans Ma nuit chez Maud il n'y a que les jeunes filles qui puissent vous séduire. Et, plus particulièrement, celles qui étudient la philosophie. Il faut dire que toutes les jeunes filles qui faisaient de la philosophie suivaient, à l'époque, les cours de Michel Foucault à l'université et qu'elles allaient en discuter en face dans le jardin Lecoq en regardant évoluer les cygnes blancs. Clermont-Ferrand, ce sont ces quartiers dortoirs avec maisons ouvrières­jardinets toutes semblables, alignées face à l'usine Michelin. Michelin la dévoreuse, Michelin l'employeuse, Michelin la secrète ? Michelin dont on parlait à mi-voix, tant l'empire, à l'aube des années 70, s'étendait avec sa force capitalistique, avec ses centaines d'ingénieurs et ses milliers de bibs qui n'avaient pas le droit de parler de ce qu'ils faisaient à l'intérieur de l'usine.

Clermont-Ferrand, c'est là où se déroula l'enfance de Fadela Amara. Le père, arrivé le premier, dormait dans les baraques de chantier. Puis la famille s'est installée vaille que vaille dans la misère matérielle mais s'est vite adaptée grâce à la soli